Avril et le monde truqué, le DVD de 2016 du film animé de 2015.
Sortie du DVD français le 15 mars 2016.
Ici l'article de ce blog sur le film animé Avril ou le monde truqué (2015)
Sur le film : Si cela fait très plaisir de s'immerger dans l'univers visuel à la Tardi, le scénario ne suit malheureusement pas : il est en fait très linéaire, et ne surprend pas - on est très loin des albums de bande dessinées de Tardi - qui en tant que scénariste lui, assure un niveau d'écriture remarquable - aussi dense et riche en émotions que le scénario du film Avril ou le monde truqué est fade. La référence aux sciences et aux inventeurs ne dépasse pas le clin d’œil, l'uchronie ne dépasse pas l'arrière plan, et malgré la splendeur de la direction artistique et l'énorme potentiel d'intrigues et de personnages, Avril et le monde truqué est, question scénario, à la limite de l'infantile, d'abord par volonté de faire un film pour enfants alors que Tardi a une vision d'adultes, ensuite parce que l'histoire se réduit à une collection de tropes : la fin par exemple semble avoir été empruntée à Captain Sky et le monde de Demain, qui était déjà un pastiche des bandes dessinées des années 30 à 50, des serials et des films d'aventure de l'âge d'or de la Science-fiction.
Voir plus bas quelques détails sur les problèmes de scénarios - avec spoilers.
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Sur l'image : définition standard, bonne. Le film est propre, c'est une bande dessinée animée un peu lente. Je suppose qu'il n'y a pas de sortie blu-ray parce que le résultat visuel ne sera pas beaucoup meilleur ? Pour en être certain, faudrait le voir en blu-ray très peu compressé, mais il est vrai qu'il n'y a pas de véritable travail de texture - des aplats de couleur. Il n'y a pas de profondeur de champ, qui donnerait l'impression de s'immerger dans le décor industriel, il n'y a aucun mouvement de foule ou d'une incroyable mines de détails en mouvement, que ce soit dans les expressions des personnages ou l'ambiance. En clair, ce n'est pas du Pixar, et ce n'est pas non plus du Walt Disney 2.0. Par contre le générique de fin est quasiment illisible sur son système.
Sur le son : compressé, bon. français DD 2.0 et DD 5.1 et audiodescription. Sonne bien, avec une immersion correcte, mais rien d'hallucinant. Les voix des comédiens français m'ont paru assez monotones, voire limite atone ou froides (les varans en particulier) et la compression n'a certainement pas aidé. Les effets sonores et les ambiances sont là, mais encore une fois cela n'a rien de mémorable, et du coup, encore un point faible pour le film.
Bonus : bon. Making of 16:9ème SD français DD mono ? en tout cas frontal et faiblard, aux voix légèrement étouffées. Intéressant, détaillé, avec les interviews de Tardi et de la production. Là par contre il y a beaucoup d'artefacts sur les extraits du film - du moirage, des lignes crantées - en clair, de la compression. Plus sur les interviews les couleurs sont éteintes, du bruit, du grésillement (points blancs intermittents).
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En conclusion : le vertige attendu n'est pas au rendez-vous, l'univers extraordinaire se révèle à usage unique, et la présentation DVD achève de donner au film un côté un peu fade, tiède et creux, bien dommage compte tenu du magnifique travail de transcription visuelle du style Tardi. Le problème numéro un est le scénario, bridé et trop cliché ; l'autre problème, c'est l'idée de traduire les aplats et les ambiances de Tardi par de véritables aplats au lieu de rétablir les textures et les profondeurs équivalentes, dégradant l'expérience sensorielle du monde imaginaire. Dans le making of, l'un des intervenants déclare avoir tenu compte du fait que Tardi s'inspirait dans ses bandes dessinées du cinéma des années 1940. Les films des années 40 n'étaient pas un défilé d'aplats sans profondeur, bien au contraire. Avec un bien meilleur scénario, un bien meilleur rythme, le problème visuel ne se serait pas posé : j'adore personnellement l'idée de la page de papier qui s'anime à l'identique d'une bande dessinée de Tardi ou d'un autre. Encore faut-il qu'elle s'anime passionnément.
Enfin, c'est la chanson du générique de fin qui stigmatise tous les problèmes du film : écoutez attentivement les paroles, la musique - c'est de la juxtaposition de mots, qui ne racontent aucune histoire, ne portent aucune émotion, si ce n'est une certaine indifférence - et même combat dans l'accompagnement - des bouts de musique enchaînés les uns aux autres, sans souffle, sans changement de tempo - retard, accélération - un filet de voix féminine sans personnalité, sans gouaille ni caractère, ni timbre identifiable. Heureusement, le film lui-même n'est pas aussi fade que son générique de fin, mais bien à la limite. Encore une fois, c'est bien dommage.
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Attention spoilers.
Le McGuffin - la course poursuite après une potion d'invincibilité / immortalité aurait pu tenir bon le temps d'une aventure, mais dans le cas d'Avril, c'est étiré sur presque un siècle, et peu enthousiasmant ou vérisimilaire : en gros, le film a été construit à l'envers - la production voulait caser un certain nombres d'idées (essentiellement graphique) et n'a apparemment pas pensé à développer l'univers ou tirer toutes les conséquences réalistes de ces idées. Conséquences : des trous de scénarios à foison, ou plutôt des trous d'univers (comment une dictature policière pourrait passer à côté des enlèvements de savants en série ? Comment l'Amérique aurait-elle pu conserver ses forêts si elle s'est exactement développée comme l'Europe au tout charbon), et un grand nombre de petits jeux de c...s qui sont les seuls à faire avancer l'intrigue du point A au point Z (le plus flagrant est la sentinelle qui fait feu sur la centrale électrique qui prive d'électricité la totalité de la jungle).
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