Nowhere Boys, entre 2 mondes: Le livre des Ombres, le DVD australien de 2016 Feu vert blu-ray / DVD

Nowhere Boys: The Book Of Shadows, le DVD australien de 2016

Sorti en DVD australien le 16 mars 2016 (lisible en France, anglais DD 2.0 et DD 5.1, sous-titré anglais).

Ici l'article de ce blog sur le film Nowhere Boys: Le Livre des Ombres (2016)

Sur le film : la suite de la saison 2 et la conclusion des aventures de la première génération des Nowhere Boys. Il y a du bon et du moins bon. D'abord, il faut dire qu'il est toujours triste de voir s'écrouler une équipe qui gagnait, et tout à l'honneur des scénaristes, il ne s'agit pas d'un conflit artificiel tiré par le bout du nez pour faire place nette aux nouveaux acteurs : les héros progressent comme dans la vraie vie, et déjà qu'ils n'étaient pas au départ une bande de potes mais plutôt le contraire, la vision du film est on ne peut plus réaliste - c'est bien l'égoïsme qui est le moteur des jeunes adultes que sont devenus les uns et les autres, et si le film n'était pas tout public, il est plus que probable que leurs choix respectifs leur auraient coûté beaucoup plus cher.

Un point fort du film est que le créateur prend soin de répondre à toutes les questions, boucler toutes les intrigues lancées depuis le début de la série, et comme à son habitude, sans crier garde. La dimension mythologique de la conclusion et en fait, de l'ensemble de la série, est aussi une surprise, mais tellement discrète, atténuée et vite étouffée que c'en est franchement dommage. En revanche, et sans doute pour des raisons de budget limité, les scénaristes se répètent terriblement : il y a très peu de choses que nous n'avons pas déjà vu dans les épisodes précédents. Certes, c'est économique et cohérent, mais où est le merveilleux ? D'autant que le moral prend un coup à voir consciencieusement démolir tout espoir de nouvelles aventures pour les héros.

Enfin le moins bon et là encore, c'est un choix scénaristique : alors que les garçons de Nulle Part, déjà ados, entrent dans l'âge adulte, il y a comme une infantilisation générale du récit, sans doute par crainte de la censure. Je peux comprendre la production après avoir lu l'avis d'un site censé guider les parents, pour lequel le moindre bisou, la moindre allusion à l'amitié est déjà trop osée, et le moindre journal jeté à la tête d'un personnage est déjà trop violent. Il y a une limite au réalisme d'un récit de passage à l'âge adulte quand on se force à régresser au pays des bisounours ("Deux enfants jettent une poubelle par terre ! C'est la fin du monde, l'avènement du Chaos sur la Terre !!!")  - et comprenez-moi bien, je n'aurais pas demandé plus que la liberté de ton des premiers épisodes (d'ailleurs censurés en France) où les héros osaient se raconter des histoires qui pouvaient vraiment faire peur, et se retrouvaient à faire les poubelles et à voler ce qui leur manque plutôt que de risquer de se retrouver à l'Assistance Sociale.

Et puis, il y a les problèmes de réalisation et de direction artistique que ne saurait excuser la censure ou le scénario : à en croire la production, pour faire du cinéma, il suffit d'ajouter quelques plans en hauteur filmés avec un drone (qui a quand même bien inquiété les acteurs, à raison, car les accidents de drones sont vite arrivés et ne sont pas beau à voir du tout). En fait non : toute la réalisation est à la peine - composition des plans, éclairage, enchaînement. Le film manque d'air, il manque de détails fins, il manque d'envergure. Plus il manque aussi du rythme - et ce en comparaison des épisodes des saisons précédentes, menés tambour battant et avec de nombreuses choses qui se passaient en même temps à l'écran, au dialogue comme à l'arrière-plan et dans l'imagination du spectateur. Ici, ce n'est pas qu'il se passe rien, mais tout est en berne. Alors oui, c'est bien meilleur que par exemple l'affreux Star Wars 7 ou l'abominable Prométhéus, parce que le scénario existe, que l'action est cohérente et bien jouée, et qu'il se passe toujours quelque chose et que l'on progresse en permanence dans l'aventure - ce n'est pas du remplissage, le spectateur est respecté.

C'est aussi meilleur que le film Serenity qui achevait à tous les sens du terme la série Firefly mais il y a le même défaut : l'univers n'est pas en expansion, les héros ne sont pas en train de se surpasser et s'incarner encore davantage pour briller encore davantage. Alors oui, l'argent manque, et c'est déjà beau d'avoir pu ramener presque tout le monde pour un dernier tour de piste et quelques révélations bien amenées. Maintenant, un détail me revient en mémoire : le premier titre du film, l'Avènement de l'Ours (Rise Of The Bear) : s'agissait-il de la même histoire que Le Livre des Ombres, ou bien y avait-il plus d'ambition au départ, et que des idées plus intéressantes ont pu être écartées faute d'aval de la chaîne commanditaire, faute d'ambition, faute de budget, faute d'acteurs ? Peu importe : faute de révéler quoi que ce soit de l'univers de la troisième saison, les compteurs sont remis à zéro, et la production, et les nouveaux acteurs, vont avoir tout à prouver, à nouveau. Une seconde chance est toujours mieux que d'être purement et simplement annulée, et de sombrer dans l'oubli aussi sec, comme c'est trop souvent le sort des séries télévisée originales pour la jeunesse.

Image : correcte. Pour un film de cinéma, le DVD fait grise mine. Une majorité de scène sont filmées je suppose par mauvais temps, et la colorimétrie est encore malmenée pour faire genre "je fais un film de cinéma" alors que je tourne en numérique et je ne veux pas faire "vidéo en direct". Aucun détail fin alors que les DVD d'après un master HD peuvent offrir des couleurs et un piqué remarquable, que la source soit une série télévisée ou un film de cinéma récent ou remontant aux années 1900. Ce n'est pas assez, et un cran inférieur aux DVD des deux saisons de la série, il me semble - en clair, même le transfert est fauché.

Son : bon. Il y a de nombreux passages immersifs, avec la limite que le son n'est pas incompressé, donc adieu l'hyper-réalisme, et si la musique (orchestrale et synthés) est efficace, elle est trop simple pour offrir du détails, et d'allure trop synthétique pour offrir des sensations tout azimut. Et où sont passé les solos de goth-métal ? Parce qu'avec une bonne prise de son, la batterie, les grattes, la basse, les effets, tout cela aurait pu assurer au-delà de l'anecdote. Là encore, pas assez de budget ? Aucun talent disponible pour balancer davantage de passion dans le mix ?

Les bonus : correct, mais trop courts. Là aussi, on sent tout le monde sur le départ. Chaque reportage est court de chez court (quatre minutes au plus). Les acteurs sont toujours en forme, mais ils n'ont peut-être plus vraiment le temps de se lâcher. Et il y a la répétition (le reportage sur les cascades) ou le fait que certains aspects (les ombres) ne représentent pas de tour de force assez spectaculaire. La réalité étant sans doute que tout cela a été produit et tourné vite fait bien fait : c'est à saluer parce que tout le monde n'arrive pas à faire cela (et moi j'en serai bien incapable), et c'est fait avec suffisamment de passion et de respect, mais il n'y a pas volonté au-départ de faire plus, de marquer des points, d'inspirer ou de se dépasser. Heureusement, il reste l'humour des acteurs. Étonnamment, toujours pas de bêtisier (gag reel) au programme. La production voudrait-elle prouver son sérieux et sa capacité à ne jamais gaspiller le temps de tournage en censurant les moments cocasses, alors qu'il y en a toujours ? Ou bien ils n'avaient simplement rien de suffisamment intéressant ou drôle à montrer, et c'est encore dommage.

En conclusion, le Livre des Ombres est une demi-réussite, soignée mais artistiquement et budgétairement limité, qui effectivement ne fait pas assez "film de cinéma", mais remplit cependant très bien son office de téléfilm concluant les saisons 1 et 2 des Nowhere Boys en répondant à toutes les questions, sauf peut-être une seule : qu'est devenue l'autre Alice, la sœur de la Phoebe du Second Monde ? Un grand merci pour ce dernier moment avec l'ancienne génération, en espérant que la nouvelle génération fera aussi bien - et, on peut toujours rêver, possiblement mieux ?

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