Ici la page Amazon.fr du blu-ray américain Région A Criterion des Visiteurs du Soir (1942)
Les visiteurs du soir (1942), le blu-ray américain de 2012.
Sorti le 18 décembre 2012.
Région A, lisible seulement sur un lecteur américain ou multi-régions)
Ici l'article de ce blog sur le film Les visiteurs du soir (1942)
Sur le film : Inspiré des miniatures d'époque des Riches heures du Duc de Berry, les Visiteurs du Soir est l'un de ces films d'évasion d'une poésie inouïe tournés pendant l'occupation de la France par les nazis. La production échappe quasi miraculeusement au trouble de son époque, alors qu'elle la vit au jour le jour (les acteurs crèvent de faim, l'équipe du film - dont apparemment Arletty elle-même - organisent sous le prétexte du tournage le passage en zone libre de réfugiés inquiétés par l'occupant) et le film rencontre un succès public énorme - et restera très longtemps sur les écrans. Ce qui n'empêchera pas les artisans de ce chef-d’œuvre d'être accusés de collaboration, possiblement par des gens surtout soucieux de prendre leur place dans une industrie française du cinéma d'après-guerre, qui ne fera ensuite que décliner, vertigineusement, à tous les points de vue mais surtout à ceux du talent, de l'écriture, de l'inspiration.
Pour en revenir au film, les Visiteurs du soir est, comme toutes les réussites, une conjonction de passions et de talents - le formidable Jacques Prévert (Le roi et l'oiseau) aux dialogues, à lui tout seul un univers ; Marcel Carné (Quai des brumes) à la réalisation hypnotique ; le costumier Georges Vakhevitch, qui avait sauvé les tissus nécessaires alors que pendant la guerre ils auraient été introuvables ; les compositeurs Vladimir Kosma et Maurice Thiriet dont l'ambiance musicale et les chansons à elles-seules induisent le frisson dans la réalité comme elles sont censées le faire dans le film.
En ce qui me concerne, le jeu parfois trop théâtral d'Alain Cuny (pourtant parfait pour incarner son personnage) m'avait gêné, mais comme d'habitude en matière d'anciens films, sa voix est beaucoup plus belle une fois le son restauré et diffusé sans compression. Enfin, et c'est devenu un lieu commun de le dire, le cabotin Jules Berry débarque dans le film comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, à la limite de bafouiller, mais par chance, il correspond alors assez bien à son personnage, et aux sentiments d'avidité, de férocité et de petitesse qu'il doit inspirer au public, et c'est plus qu'heureux. De cette manière, Berry ne détonne pas de l'ambiance générale de dessin animé fantasmagorique, les Visiteurs du Soir ayant la vocation d'être un recueil de miniatures médiévales qui se seraient animées, un peu comme Le Secret de Kells.
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Image : Noir et blanc 1.33/1 (format 4/3 - original 1.37) 1080 / 24p : Moyenne à bonne - les détails fins des décors et des costumes y sont, tout comme le pelage des bêtes. Les cheveux sont plus confus sauf dans les plans très rapprochés, et les grains de peau sont pratiquement toujours brouillés, même dans les gros plans, quoi qu'on les devine. Souvent, ce trouble est causé par une mauvaise mise au point sur les personnages, du genre que la haute définition ne pardonne pas : filmé en plan moyen, les amants sont flous tandis que la tapisserie derrière eux est cristalline !
La profondeur de champ remarquable de la HD est bien là chaque fois que la scène est correctement éclairée, c'est à dire dans tous les plans filmés en extérieur (ce qui est souvent le cas) ou avec des projecteurs d'appoint suffisamment puissants (donc paradoxalement dans les scènes de nuit). Il n'y a aucun bruit à l'écran quand bien même il est possible de distinguer et le grain de l'image, et le grain du papier du livre de contes de fée dans la séquence d'ouverture.
Si l'éditeur américain a fait un nettoyage numérique supplémentaire, il reste encore quelques défauts mineurs à l'image qui auraient pu ou pas être éliminés (longue rayure décolorée occasionnelle, très rare cheveux au bord de l'image) sans oublier des défauts de montage d'origine (des images de transitions instables et abîmées), possiblement avec une meilleure technologie de scanneur, mais je j'en suis pas non plus certain. L'image est cependant merveilleuse durant une immense majorité de scènes.
Son : Bon - original français LPCM 1.0 48 kHz / 24 bit, sous-titres anglais optionnels. Il faudrait que je réécoute le DVD en même temps que le blu-ray pour comparer, mais le son est logiquement incompressé.
Bonus : 1080i son original français (sous-titres optionnels en anglais) - seulement le documentaire du DVD français, mais apparemment en haute définition cette fois (qualité d'image moyenne).
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Conclusion : Cette version blu-ray était attendue en France l'année dernière en même temps que la nouvelle édition DVD, mais elle a finalement été annulée. Sur le DVD, l'équipe de restauration déclarait qu'on ne verrait pas la différence entre la basse résolution et la haute résolution à l'écran...
Hé bien, voilà ce qui en est : quand on veut, on peut. La magie du film est une fois de plus décuplée par une haute définition. Les regards des acteurs sont particulièrement impressionnants, en comparaison de l'édition DVD, ainsi que la nature lumineuse, l'eau étincelante des fontaines et des étangs, et la splendeur des décors et des costumes. A revoir ce film en HD, je m'étonne que les studios Ghibli n'aient pas eu l'idée d'adapter à nouveau cette "vieille légende médiévale", dont la magie portée par Carné et Prévert aurait été complétement à leur mesure, ou que les studios Disney ne l'aient pas encore charcuté et/ou pillé.
L'édition américaine est nettement plus spectaculaire que le DVD français. Incidemment, le blu-ray français est finalement sorti depuis cette chronique, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de comparer.
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