Petites histoires de la Science-fiction (2025)
Sorti en France le 10 juillet 2025 en grand format en France chez ACTU SF FR.
De Alain Grousset.
(essai, chronique, presse) Après-guerre, la Science-fiction française s’est écrite comme une épopée aux mille détour ; année après année, de 1945 à 2000.
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Petites histoires est une sorte de chronique annuelle de ce que l’auteur, Alain Grousset a pu apprendre de comment la Science-fiction a été éditée en France. Même s’il s’agit d’un épais volume de plus ou moins 490 pages utiles, cela reste très succin — la longueur des chapitres varie — et c'est loin d’être aussi audacieux et fulgurant — j’imaginais déjà les aventures de Flash Gordon en vrai en France, avec chaque année un nouvel épisode de douze mois durant, même si la lecture en est agréable, le texte pertinent et informatif, — pas comme tout ce qu'on peut souvent lire ou voir ou entendre d'ordinaire sur écran ou autre, à apparemment 80% généré ou assisté = censuré / révisé par Chat GPT désormais.
Cependant, il s'agit du genre de chroniques que j'aurais voulu que tout le monde fasse pour références, car trop d'informations, trop de témoignages se perdent avec le temps, sont altérés ou censurés. Internet aurait dû faciliter tout cela, mais cela s'est révélé un territoire de chasse des trolls sur sable mouvants, tout comme l'intelligence artificielle censée nous aider à retrouver plus vite et synthétiser plus clairement s'est révélé un outil de propagande et de censure révisionniste, tandis que les deux combinés donnent l'équivalent de la pêche industrielle au filet électrifié, le produit de la pêche étant nous, les citoyens internautes humains.
Le propos d’Alain Grousset n’est pas de chroniquer année après année les romans ou les bandes-dessinées qui ont pu sortir ces années-là : en gros, et sachant que je suis encore au début de la lecture et que j'ai seulement feuilleté les chapitres, Alain Grousset cite quelques auteurs (de romans) et éditeurs et très peu d'anecdotes par auteurs. Il fournit des pistes, ce qui est déjà beaucoup ; et si comme moi vous en avez rencontré quelques uns, cela remue toujours le coeur s'ils sont disparus et qu'ils ont été généreux, que ce soit par leurs écrits, par leur secours ou simplement en répondant présent aux conventions, débats ou contributions, non des moindres étant celle d'éditer les ouvrages que nous avons collectionné ou simplement tenu.
Après un pénultième chapitre 2000 déjà très court, les petites histoires tournent courtes avec le chapitre 2001 où, à nouveau très brièvement, Alain Grousset justifie l'arrêt de ses brèves chroniques à l'année 2000, de manière sibylline : il parle de lassitude, de son âge, du manque de temps, d'être largué par rapport aux nouveaux venus du (petit) monde de la Science-fiction française. IL écrit "2001 est une année symbolique qui me dit quelque chose..." référence supposée au film de Kubrick... de 1968.
Sauf que les années 2000 à 2025 me disent beaucoup à moi, non pas que j'ai gardé contact avec la Science-fiction française littéraire, avec l'édition ou les conventions. Ecrire l'Histoire ou la petite histoire ou les petites histoires mène toujours aux mêmes obstacles, que ce soit à l'Antiquité ou la veille au soir. Tel fameux historien de l'antiquité écrivait en prologue de son Histoire de Rome qu'il lui avait été interdit d'écrire sur l'histoire récente. Sauf erreur de ma part, c'était la douce et joyeuse époque des empereurs qui défilaient depuis Caligula, les précédents n'hésitant jamais à bannir voire faire exécuter les écrivains autres fois de leurs amis, pour cause d'indignation face aux crimes des dits empereurs.
Or, les années 2020, ce sont les années COVID, et avant cela les années Sarkozy et la montée du wokisme, des lynchages en ligne, de la surveillance généralisé et du délit d'opinion ouvertement traqué et puni de prison en Europe. Bien sûr, le bon temps n'existe pas, mais notre époque immédiate n'a pas grand chose, sinon rien à envier au règne de Caligula, aux années d'Occupation, ou aux purges qui ont suivie à la prétendue libération et lors des prétendues dénazifications en France et ailleurs. Bien sûr, je comprends qu'Alain Grousset et son éditeur puissent avoir les mêmes craintes que tous les autres auteurs et historiens à travers les âges, en période de dictature, occupation et autres purges.
Mais j'aurais préféré en clair que Alain Grousset ne s'abstienne pas de chroniquer le sort des auteurs et (petits) éditeurs français par exemple à l'époque des confinements et vaccinations forcées, ou son avis sur le niveau de lecture en chute libre directement causé par les ministres de l'éducation successifs, ou encore comment l'ambiance des conventions et salons français de Science-fiction a considérablement changée entre 2000 et 2025, ou l'avis général des auteurs sur le massacre virtuel des forums indépendants, le pillage des droits d'auteurs par l'intelligence artificielle et tous les efforts dépensés par Google pour priver les auteurs indépendants à la fois de leur public et de leurs sources de revenus — ou l'évolution de leurs rapports avec Amazon et la FNAC et autres quasi monopole, les plus gros éditeurs français appartenant de fait à un vendeur d'armes (Matra Hachette ou je ne sais quel est son pseudonyme du moment).
Mais peut-être tout cela fera-t-il l'objet d'un volume suivant — ou d'un ouvrage d'autres auteurs, si possible avant que nous soyons tous de nouveau reconfinés et les "vieux" vaccinés forcés à mort ou décédés de leur turbo-cancer ou leucémie qui sont les effets secondaires officiels du vaccin, tandis que les "jeunes" iront mourir forcé de se faire droner et gazer dans les tranchées ukrainiennes, pour défendre l'éternel bastion S.S des années 1930-1940 contre l'odieuse tentative des russes de stopper les génocides sur commande ultra-riche.
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Le texte original d’Alain Grousset de 2025 pour ActuaSF.
1945
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, dès la libération de Paris, l’heure est au grand ménage. Le Comité nationale des écrivains s’arroge le droit de procéder au sarclage de ses mauvaises herbes. Soixante-cinq écrivains constituent les membres d’une commission afin de procéder au tri. Certains parmi eux ne se sont guère impliqués dans la Résistance. Beaucoup ont d’ailleurs continué à être publiés ou ont vu leurs pièces jouées durant l’Occupation, au même titre que ceux qu’ils dénoncent. D’autres, véritablement résistants, essaient paradoxalement de freiner cette épuration, n’excusant pas les auteurs incriminés, mais luttant pour leur permettre d’être à nouveau édités.
Le 9 septembre 1944, dans Les Lettres françaises, 65 signataires publient donc un manifeste où ils indiquent refuser d’être édités dans des organes d’édition et de presse qui proposent des textes et collaborateurs notoires, dont ils établissent une liste de 12 noms.
Dans Le Figaro du 16 septembre, un entrefilet annonce pudiquement que Paul Chack est le président de l’Association des écrivains combattants. Il sera pourtant condamné par la cour de Justice de la Seine à la confiscation de tous ses biens le 18 décembre 1944 pour « intelligence avec l’ennemi » (Cf. JO — NDT Journal Officiel — du 12 août 1947, soit 3 ans après !). Mauvaise planque !
Puis, une autre liste encore, de 157 noms cette fois, est publiée le 21 octobre 1945, de nouveau dans Les Lettres françaises. Quelques noms qui parlent à certains y apparaissent : André Castelot, Sacha Guitry, Jean Giono, Pierre A. Cousteau.
Dans le domaine qui nous intéresse, on trouve dans cet inventaire une bonne vingtaine d’auteurs ayant publié des écrits de Science-fiction avant-guerre. Certains connus, pas forcément en bien. On recense Brasillach (fusilllé en 1945 pour sa collaboration active avec l’ennemi), et Pierre Drieu la Rochelle, directeur pendant la guerre de La Nouvelle Revue française (Gallimard), qui se suicide au gaz et au gardenal en 1945. On identifie également Maurras, Henry de Montherlant et autres. Quelques uns ont certes gagné leur place dans RétrofictionS1, mais sont oubliés depuis longtemps.
Et puis il y a ceux qui ont eu une place plus importante dans le milieu de la SF, après la guerre.
Dans la première liste, on découvre le nom de René Barjavel, le chef de fabrication des éditions Denoël2, puis, en 1942, le directeur de la collection jeunesse « La Fleur de France » très (trop) patriotique.
On lui reproche d’avoir publié en feuilleton deux romans, Ravage et Le Voyageur imprudent, ainsi que quelques nouvelles, dans la reveu collaborationniste Je suis partout3. Barjavel est dans la ligne politique bien-pensante. Par exemple, dans Ravage, la disparition de l’électricité entraîne un retour à la terre, un thème cher à Pétain4.
Selon ses dires rapportés par Pierre Assouline5, René Barjavel envoie alors une lettre à chacun des membres de la Commission d’épuration dans laquelle il écrit en substance : je ne me sens pas en faute, je ne regrette rien, je ne retire pas une ligne de ce que j’ai écrit…
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1. RétrofictionS est un monument en deux volumes, qui recense tout un pan de la SF d’avant 1950. A ranger aux côtés de l’encyclopédie de Versins. Editions Belles Lettres & Encrage (2018), Altairac et Costes.
2. René Barjavel travaill au Progrès de l’Allier. Un jour, il fait une interview de Denoël qui l’embauche.
3. À l’époque, les opposants appelaient la revue Je chie partout !
4. Aujourd’hui encore, ce roman est classé réactionnaire, mais que faire en cas de disparition de l’électricité sinon un retour à la terre ?
5. L’épuration des intellectuels (éditions Complexe, 1985).
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à cet essai.
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