Freaks (1932)
Traduction du titre anglais : Affreux!
Attention, ce film est déconseillé aux âmes sensibles.
Sorti aux USA le 12 février 1932,
Sorti en France le 7 octobre 1932 ;
Sorti en DVD français ;
Sorti le 17 octobre 2023 en blu-ray américain CRITERION US.
De Tod Browning, sur un scénario d’après la nouvelle Spurs de Tod Robbins, parue dans le Munsey's Magazine de février 1923 ; avec Harry Earles, Daisy Earles, Wallace Ford, Leila Hyams, Olga Baclanova, Henry Victor, Roscoe Ates, Rose Dione, Johnny Eck.
Pour adultes et adolescents.
(fable, horreur, monstre, violent) L'orchestre joue une polka entraînante. C’est un petit groupe de gens vêtus de costumes et de grands chapeaux tristes. Des trop petits, des trop grandes, avec tous les petits défauts de la foule.
« Approchez, approchez, haranguait le forain comme vous avez pu le voir, on ne vous a pas menti ! On vous a dit que vous trouveriez ici des monstruosités qui bougent et qui respirent. Vous avez ri à leur vue ! Vous avez tremblé à leur vue ! Et pourtant... »
L'homme baisse le ton en se penchant légèrement vers son auditoire : « Vous auriez pu être l'un d'eux... » Il se redresse: « Ils n'ont pas demandé à naître ainsi, mais ainsi ils sont nés. Ils se sont donné des lois : En offenser un, c'est les offenser tous ! » Le forain descend de son estrade : « Et à présent, Mesdames et Messieurs, si vous voulez bien me suivre, vous découvrirez la plus étrange, la plus étonnante des monstruosité bien vivante... de tous les temps ! »
Les visiteurs se rassemblent autour d'un parc de bois au fond garni de sciure. Une femme hurle. La plupart reculent, glacé par l'effroi. Puis les gens se rapprochent et se mettent à murmurer. Ceux qui s'étaient caché les yeux ou qui s'étaient détournés ne peuvent s'empêcher de regrader à nouveau sur l'horrible chose. Encore, et encore, comme si leur esprit n'arrivait pas à en admettre l'épouvantable réalité.
« Les amis... reprend le forain d'une voix apaisante, recaptant aussitôt l'attention de la petite foule : elle fut jadis une superbe femme. Un prince se suicida pour elle. On l'avait surnommée... »
1
L'OISEAU DU PARADIS
Elle s'appelait Cléopâtre. Elle était la voltigeuse du Cirque de Madame Tétrallini. Une fois perchée sur son trapèze, le monde n'avait d'yeux que pour elle, et elle s'en moquait. Blonde, plantureuse, parfaite, elle s'envolait littéralement dans les airs, brillant de tous ses feux dans un collant noir qui, tout en la recouvrant totalement, ne laissait rien ignorer de ses formes. L'or-chestre jouait une valse rapide, que recouvraient les applaudissements à chaque acrobatie.
Derrière le rideau des coulisses, Hans et Frieda attendaient le passage de leur numéro. De loin, on aurait pu les prendre pour deux enfants, vêtus comme des adultes. « Ach ! Sie ist sehr verbrachtein, nicht wahr, Hans ? remarqua sentencieusement la petite écuyère. — C'est plus belle des grandes femmes que j'ai jamais vu, » répondit le maître de manège miniature.
Frieda considéra son partenaire en rougissant : « Mais Hans, tu vas me rendre jalouse ! s'étonna-t-elle. — Ah ! répondit Hans sans quitter des yeux la pis-te, ou plutôt le trapèze. Dis pas de bêtises ! — Dis pas de bêtises ? répéta Frieda : j'ai bien vu cette grande femme faire les yeux doux à mon Hans ! »
Elle baissa les yeux et se tortilla en rougissant encore plus : « Bien sûr que je ne suis pas jalouse... » Hans se tourna enfin vers sa partenaire : « Oh, Frieda chérie, s'excusa-t-il : je n'ai d'yeux que pour une seule femme. Celle que je vais épouser. »
Et il s'inclina galamment. Un roulement de timbale annonça le début du numéro suivant. Le palefrenier appela Frieda pour vérifier la selle de son poulain. Pendant ce temps, Cléopâtre, la Reine des Airs rentrait nonchalamment dans les coulisses, non sans s'attarder quelque temps près du rideau, histoire d'admirer les prouesses musculeuses d'Hercule, le dompteur de taureaux, qu'accompagnait un cancan endiablé.
Hans, qui était resté près du rideau, ne put s'empêcher d'admirer les longues jambes de la belle acrobate, que le collant noir mettait si audacieusement en valeur. Cléopâtre, baissant les yeux, s'en aperçut.
D'abord choquée, puis amusée, elle fit semblant de s'étirer et, du coup, laissa choir sa lourde cape dans la sciure étalée sur le sol. Évidemment, Hans s'empressa de la ramasser : une si jolie cape appartenant à une si belle femme ne devait pas s'abîmer ! Faisant alors celle qui venait de l'apercevoir,
Cléopâtre se pâma devant son geste et lui tourna le dos, de l'air d'attendre qu'il la rhabille de sa cape. Hans pâlît. « Est-ce que vous vous moquez de moi ? » demanda sèchement le maître de manège miniature.
Compte tenu de la différence de taille, même en se haussant sur la pointe des pieds, Hans aurait été bien incapable d'atteindre les épaules de la voltigeuse. « Oh, non monsieur ! s'exclama Cléopâtre en faisant l'innocente. Pourquoi le ferais-je ? — La plupart des grandes personnes le font, répondit Hans avec raideur. Elles ne me voient pas comme un homme. Pour eux je suis seulement quel-que chose qui les fait rire... »
Alors Cléopâtre posa un genou à terre pour lui permettre de repasser la cape autour de son cou. Hans s'exécuta de bonne grâce. « Merci ! fit Cléopâtre en effleurant la joue du jeune homme. C'était si gentil de votre part ! »
La voltigeuse croisa le regard noir de Frieda : celle-ci attendait son entrée perchée en amazone sur son poulain blanc. Cléopâtre se releva et marcha jusqu'à la petite écuyère. Elle fit négligemment voler la tulle du tutu de sa rivale, comme si celle-ci n'était qu'une poupée coûteuse qu'on aurait posée sur un cheval : « Mignon, très mignon ! » complimenta moqueuse l'Oiseau du Paradis...
***
Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacré à ce film.
***