Spontaneous, le roman de 2016Feu vert livre / BD

Spontaneous (2016)
Traduction du titre : spontané.

Sorti aux USA le 23 août 2016 chez Dutton ;
Sorti en Angleterre le 4 mai 2017 chez Canongate.

Adapté en film en 2020.

De Aaron Starmer.

Pour adultes et adolescents.

(presse, prospective) Mara n’a même pas vu sa camarade de classe exploser sans aucune raison apparente, grotesquement, comme une vulgaire baudruche remplie de sang, de viande et de bouts d’os. Le temps passe, et l’hypothèse de l’attentat est écarté et Mara retrouve son sens de l’humour, ce que n’apprécie pas Claire, qui lui fait savoir lors de la séance obligatoire de thérapie de groupe, accusant Mara de vouloir provoquer chez elle des flashs traumatiques. Brian Chen, le bloggeur réputé de la classe défend alors Mara. Et il explose.

Une narration sensible et très efficace pour une métaphore à tiroirs terriblement pertinente à quelque niveau que vous la preniez. Aaron Starmer écrit pour les jeunes adultes depuis 2009 dont la récente trilogie de Fantasy, The Riverman. Le film est a priori une adaptation fidèle du roman, mais le roman en version originale anglaise est émotionnellement encore plus fort. Spontaneous le roman est à ce jour inédit en France. Le film a été disponible sur Prime, mais ne l’est plus.

*

Le texte original de Aaron Starmer, publié en 2016 chez Dutton Books, filiale de Random House NY USA.

SPONTANEOUS

HOW IT STARTED


When Katelyn Ogden blew up in third period pre-calc, the janitor probably figured he’d only have to scrub guts off one whiteboard this year. Makes sense. In the past, kids didn’t randomly explode. Not in pre-calc, not at prom, not even in chem lab, where explosions aren’t exactly unheard of. Not one kid. Not one explosion. Ah, the good old days.

Katelyn Ogden was a lot of things, but she wasn’t particularly explosive, in any sense of the word. She was wispy, with a pixie cut and a breathy voice. She was a sundress of a person—cute, airy, inoffensive. I didn’t know her well, but I knew her well enough to curse her adorable existence on more than one occasion. I’m not proud of it, but it’s true. Doesn’t mean I wanted her to go out the way she did, or that I wanted her to go out at all, for that matter. Our thoughts aren’t always our feelings; and when they are, they rarely last.

On the morning that Katelyn, well, went out, I was sitting two seats behind her. It was September, the first full week of school, an absolute stunner of a day. The windows were open and the faraway drone of a John Deere mixed with the nearby drone of Mr. Mellick philosophizing on factorials. Worried I had coffee breath, I was bent over in my seat, digging through my purse for mints. My POV was therefore limited, and the only parts of Katelyn I saw explode were her legs. Actually, it’s hard to say what I saw. Her legs were there and then they weren’t.

Wa-bam!

The classroom quaked and my face was suddenly warm and wet. It’s a disgusting way to say it, but it’s the simplest way to say it: Katelyn was a balloon full of fleshy bits. And she popped.
You can’t feel much of anything in a moment like that. You certainly can’t analyze the situation. At least not while it’s happening. Later, the image will play over and over in your head, like some demon GIF, like some creeper who slips into your bed every single night, taps you on the shoulder, and says, “Remember me, the worst fucking moment of your life up to this point?” Later, you’ll feel and do a lot of things, but when it’s actually happening, all you can feel is confusion and all you do is react.

I bolted upright and my head hit my desk. Mr. Mellick dove behind his chair like a soldier into the trenches. My red-faced classmates sat there in shock for a few moments. Blood dripped down the windows and walls. Then came the screaming and the obligatory rush for the door.

The next hour was insane. Hunched running, hands up, sirens blaring, kids in the parking lot hugging. News trucks, helicopters, SWAT teams, cars skidding out in the grass because the roads were clogged. No one even realized what had happened. “Bomb! Blood! Run for the fucking hills!” That was the extent of it. There was no literal smoke, but when the figurative stuff cleared, we could be sure of only two things.

Katelyn Ogden blew up. Everyone else was fine.

Except we weren’t. Not by a long shot.

*

La traduction au plus proche

SPONTANE

COMMENT ÇA A COMMENCÉ

Quand Katelyn Ogden a explosé en troisième heure de pré-calcul, le concierge s'est probablement dit qu'il n'aurait à ôter les tripes que d'un seul tableau blanc cette année. C'est logique. Par le passé, les enfants n'explosaient pas aléatoirement. Ni en maths, ni au bal de fin d'année, ni même au labo de chimie, où les explosions ne sont pas rares. Pas un seul gamin. Pas une seule explosion. Ah, le bon vieux temps…

Katelyn Ogden était beaucoup de choses, mais elle n'était pas particulièrement explosive, quel que soit le sens du terme. Elle était mince, avec une coupe de lutin et une voix soupirante. C'était une personne en robe fleurie, mignonne, aérienne, inoffensive. Je ne la connaissais pas bien, mais je la connaissais suffisamment pour maudire son existence adorable à plus d'une occasion. Je n'en suis pas fière, mais c'est vrai. Ça ne veut pas dire que je voulais qu'elle parte comme elle l'a fait, ou que je voulais qu'elle parte tout court, d'ailleurs. Nos pensées ne sont pas toujours nos sentiments, et quand elles le sont, cela dure rarement.

Le matin où Katelyn est, euh, partie en live, j'étais assis deux sièges derrière elle. C'était en septembre, la première semaine complète d'école, une journée absolument époustouflante. Les fenêtres étaient ouvertes et le bourdonnement lointain d'une tondeuse John Deere se mélangeait au bourdonnement proche de M. Mellick philosophant sur les factorielles. Inquiète d’avoir mauvaise haleine à cause d’un café, j'e m’étais penchée sur mon siège, à fouiller dans mon sac à main à la recherche de bonbons mentholés. Mon point de vue était donc limité, et les seules parties de Katelyn que j'ai vues exploser étaient ses jambes. En fait, c'est difficile de dire ce que j'ai vu. Ses jambes étaient là et puis elles ne l'étaient plus.

Wa-bam !

La classe a tremblé et mon visage était soudainement chaud et humide. C'est une façon dégoûtante de le dire, mais c'est la manière la plus simple de le dire : Katelyn était un ballon plein de bouts charnues. Et elle a éclaté.

Vous ne pouvez pas ressentir grand-chose dans un moment comme celui-là. Vous ne pouvez certainement pas analyser la situation. Du moins pas au moment où elle arrive. Plus tard, l'image repassera en boucle dans votre tête, comme un GIF démoniaque, comme un type qui se glisse dans votre lit chaque nuit, vous tape sur l'épaule et vous dit : « Tu te souviens de moi, le pire foutu moment de ta vie jusqu'ici ? » Plus tard, vous ressentirez et ferez beaucoup de choses, mais quand ça se passe pour de vrai, tout ce que vous pouvez ressentir, c’est de la confusion et tout ce que vous faites, c’est réagir.

Je me suis redressé en un éclair et ma tête a heurté mon bureau. M. Mellick a plongé derrière sa chaise comme un soldat dans les tranchées. Mes camarades de classe, le visage rouge, sont restés assis en état de choc pendant quelques instants. Du sang coulait sur les fenêtres et les murs. Puis vinrent les hurlements et la ruée obligatoire vers la porte.

L'heure suivante fut insensée. Des gens qui courent, les mains en l'air, les sirènes qui hurlent, les gamins qui s’étreignent sur le parking. Camions de presse, hélicoptères, commandos armés d'intervention, voitures dérapant dans l'herbe parce que les routes étaient bouchées. Les gens n'avaient même pas réalisé ce qui s'était passé. "Bombe ! Du sang ! Courez vers les foutus collines !" C'est à peu près tout. Il n'y avait pas de fumée au sens propre, mais quand la fumée au sens figuré s'est dissipée, nous ne pouvions être sûrs que de deux choses.
Katelyn Ogden a explosé. Tous les autres étaient en sécurité.

Sauf que nous ne l'étions pas. Et de très loin.

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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.

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