Les prédateurs enjolivés (1976)
Sorti en France en janvier 1976 chez LAFFONT FR (grand format).
Sorti en France le 14 février 1983 chez POCKET FR (poche).
De Pierre Christin.
Pour adultes.
Contient les nouvelles suivantes :
Ce jour-là encore, l'anomie pernicieuse fit 86 511 victimes...
Et, dans la douce chaleur d'un repas de famille
Oui, il s'appelaient Croqbattler et Rackalust
C'est alors que les rats voulurent voir le soleil
Mais qu'elle était donc verte, la vallée des autres
Puis, quand les bourgeois allèrent à l'usine
Enfin vint le temps des prédateurs enjolivés
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Scott Orson Card expliquait lors d'un interview que j'avais réalisé, que souvent les premiers textes que l'on écrivait servaient à purger l'esprit de beaucoup de choses malsaines. Malheureusement, cela ne s'arrête pas aux premiers textes - la purge peut revenir encore et encore au cours de la vie littéraire, et la carte Science-fiction sert trop souvent en France comme ailleurs à se purger au lieu de simplement écrire efficacement.
Dans le cas des Prédateurs Enjolivés, il faut souligner que Pierre Christin en 1976 est déjà le scénariste extraordinaire non seulement des plus belles aventures de la série bande dessinée Valérian Agent Spatio-Temporel. Pilote, le magazine dans lequel ces aventures paraissent va prendre un virage adulte - autrement dit cul et ultra-violence, juste pour ramasser plus de fric en espérant éponger ses difficultés financières. Les difficultés ne disparaîtront pas, le magazine disparaîtra. Les bandes dessinées Valérian sont loin d'être légères - elles ont une âme, une conscience, commentent intelligemment les travers de notre société et font rêver. Christin signe également chez les Humanoïdes Associés quelques que fables politico-futuro-sociales, notamment dessinées par Bilal, impressionnantes et là encore, c'est brillant. Pas drôle, mais brillant, et les idées autant que les images sont encore d'actualité.
Alors où est le problème ? Chaque nouvelle du recueil ne va que dans un seul sens, celui de la destruction des personnages, de l'Humanité entière. On va d'horreur en horreur, sans un seul pour rattraper l'autre et c'est le but déclaré du projet, mais quel intérêt pour le lecteur d'endurer un snuff movie permanent ? qui a envie de s'identifier perpétuellement à des personnages qui vont tous crever et méritent apparemment tous de crever ?
Si le problème d'écriture est d'abord celui du scénario dirigiste tirant le lecteur par le bout de son nez du point A (humiliation) au point B (extermination), l'écriture, bien que très fragmentée, m'a semblé du même niveau que les nouvelles des anglais parmi les plus acclamées du magazine Interzone que l'on retrouvera par exemple traduites dans les magazines français de la fin des années 1990 - donc Pierre Christin n'est pas un mauvais écrivain de Science-fiction, au contraire. Il a seulement comme beaucoup d'autre le problème de l'enfermement et du ressassement du lecteur dans les pires bassesses de l'Humanité, ce qui ne permet absolument pas de guérir de ces bassesses, de motiver les foules pour les soigner et élever ce monde, qu'il soit à sa fenêtre ou de l'autre côté de l'écran de l'ordinateur ouvert sur la pire vidéo youtube (ou Périscope ou je ne sais quel autre site ou application faisant commerce de la "purge".
Et je le dis, et je le répète, la catharsis n'existe pas, il n'existe que l'échange des rôles : en s'immergeant dans tant d'horreur, le lecteur / spectateur ne peut qu'être poussé à préférer être dans le rôle du bourreau plutôt que dans celui de la victime. Alors que le seul rôle à tenir est celui qui s'en sort en guérissant et prévenant le mal, au lieu de l'épander sous quelque forme que ce soit.
Surtout n'ouvrez pas ce livre en croyant retrouver le plaisir jubilatoire d'un space opera temporel à la manière des premiers Valérian dont Pierre Christin a été le scénariste chauve souris. Passez plutôt votre chemin.
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(texte original)
CE JOUR-LA ENCORE, L'ANOMIE PERNICIEUSE FIT 86 511 VICTIMES...
D'une main, Michel retira le casque qui enserrait sa tête et la dernière note du choral-prélude de Buxtehude qu'il travaillait depuis près d'une heure s'écarta de lui. Il posa le casque, repoussa tous les registres et coupa le contact de l'orgue. Ce matin, par extraordinaire, il y avait de l'électricité et il avait pu jouer longuement sans être interrompu.
Il détendit son long corps nu dans l'obscurité presque complète qui régnait au sein de la pièce, pressa ses doigts en ce lieu du front où commençait à poindre la sourde migraine qui l'habitait si souvent depuis quelque temps, laissa courir distraitement sa main sur les cordes d'une cithare incrustée de nacre qui était posée sur son bureau, effleura son petit harmonica favori, puis regarda sa montre machinalement. Dix heures passées...
...et je commencerai par dire que le concept qui nous occupera aujourd'hui a fait son apparition dans "Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction" en 1884 pour définir l'absence de loi fixe par opposition à l'autonomie morale kantienne, avant de désigner en sociologie l'absence d'organisation ou de coordination entre les éléments différenciés d'un système social, c'est-à-dire...
Dix heures passées. Il était temps de sortir. Sans bruit, il entrouvit la porte de sa petite salle de musique. Dans la chambre, il faisait déjà chaud et un rayon de soleil, un seul, pénétrait par un interstice des volets. Piétinant dans le désordre des vêtements étalés à terre, Michel cherchait ce qui lui appartenait...
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