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- Écrit par David Sicé
L'homme à la cervelle d'or (1860)
Autre titre : La légende de l'homme à la cervelle d'or.
Noter que cette nouvelle est dans le domaine public.
Sorti en France le 7 juillet 1860 dans Le Monde Illustré.
De Alphonse Daudet.
Noter que cette nouvelle existe en deux versions : original de 1860 publiée dans le journal le Monde illustré, révisée de 1869 incluse dans le recueil Les Lettres de mon moulin.
Pour adultes et adolescents.
Les parents d'un jeune garçon s'aperçoivent à la faveur d'une blessure que la cervelle de l'enfant est faite d'or...
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Le numéro complet du Monde Illustré du 7 juin 1860 est consultable sur le site de la BNF.
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(texte original de 1860)
I
Je suis né dans une petite ville de l’ancienne Souabe, chez le greffier au tribunal, un jour de soleil et de Pentecôte. Ma venue au monde fut accompagnée de quelques signes étranges qu’il est bon de raconter. Toute la famille étant réunie autour du lit de l’accouchée, mon oncle, l’inspecteur aux douanes, me prit délicatement entre ses doigts et m’apporta près de la fenêtre pour me contempler à son aise ; mais la pesanteur de mon petit être le surprit à ce point que le bonhomme effrayé me lâcha et que je m’en allai tomber lourdement sur le carreau, la tête la première. On me crut mort sur le coup, et vous pensez les cris qu’on en poussa ; le crâne d’un nouveau-né est quelque chose de si débile, le tissu en est si frêle, la pelure si délicate ; une aile de papillon glissant là-dessus peut causer les plus grands ravages ! O surprise ! Lé ténuité de mon crâne se ressentit à peine de cette terrible secousse, et ma tête, en touchant le sol, rendit un son métallique et connu de tous qui fit dresser vingt oreilles à la fois. On m’entoure, on me relève, on me palpe, et grande fut la stupeur, quand le docteur déclara que j’avais le sommet de la tête et la cervelle en or, à preuve un fragment qui s’était détaché dans ma chute, et qu’on reconnut être un morceau d’or très-pur et très-fin.
- Singulier enfant ! dit Monsieur le docteur en hochant la tête.
- Destiné à de grandes choses ! ajouta mon père hors de lui.
- Et qui doit valoir beaucoup d’argent, fit judicieusement observer mon oncle.
Avant de se séparer, on se promit le plus grand secret sur l’aventure : ce fut là la première pensée de ma mère, qui craignait que ma valeur une fois connue ne vint à tenter la cupidité de méchantes gens. J’étais, du reste, un enfant comme tous les autres, mangeant ou plutôt buvant bien, avec cela très-précoce et porteur d’allures drôlettes à dérider le front le plus sévère. Crainte d’accident, ma mère voulut me nourrir elle-même ! Je grandis donc dans notre vieille maison de la rue des Tanneurs, ne mettant presque jamais le nez dehors, toujours caressé, choyé, surveillé, talonné, n’osant faire un pas à moi seul de peur d’abîmer ma précieuse personne, et regardant tristement à travers les vitres mes petits voisins jouer aux osselets dans la rue et cabrioler à leur aise dans les ruisseaux. Comme vous pensez, on se garda bien de m’envoyer à l’école ; mon père fit venir à grands frais des maîtres à la maison, et j’acquis en peu de temps une instruction présentable. J’avouerai même que j’étais doué d’une intelligence qui surprenait les gens, et dont mes parents et moi nous avions seuls le secret. Qui n’eût été intelligent avec une cervelle riche comme la mienne ? Un jour ne se passait pas sans que chez nous on ne bénît le Ciel d’avoir fait un miracle en ma faveur et d’avoir honoré un enfant prodige l’humble demeure du greffier.
Ah ! faveur maudite ! exécrable présent ! ne pouviez-vous donc tomber sur la maison d’en face ?
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(version révisée de 1869 sous le titre "La légende de l'homme à la cervelle d'or")
En lisant votre lettre, madame, j’ai eu comme un remords. Je m’en suis voulu de la couleur un peu trop demi-deuil de mes historiettes, et je m’étais promis de vous offrir aujourd’hui quelque chose de joyeux, de follement joyeux.
Pourquoi serais-je triste, après tout ? Je vis à mille lieues des brouillards parisiens, sur une colline lumineuse, dans le pays des tambourins et du vin muscat. Autour de chez moi tout n’est que soleil et musique ; j’ai des orchestres de culs-blancs, des orphéons de mésanges ; le matin, les courlis qui font : « Coureli ! coureli ! » à midi, les cigales, puis les pâtres qui jouent du fifre, et les belles filles brunes qu’on entend rire dans les vignes… En vérité, l’endroit est mal choisi pour broyer du noir ; je devrais plutôt expédier aux dames des poèmes couleur de rose et des pleins paniers de contes galants.
Eh bien, non ! je suis encore trop près de Paris. Tous les jours, jusque dans mes pins, il m’envoie les éclaboussures de ses tristesses… À l’heure même où j’écris ces lignes, je viens d’apprendre la mort misérable du pauvre Charles Barbara ; et mon moulin en est tout en deuil. Adieu les courlis et les cigales ! Je n’ai plus le cœur à rien de gai… Voilà pourquoi, madame, au lieu du joli conte badin que je m’étais promis de vous faire, vous n’aurez encore aujourd’hui qu’une légende mélancolique.
Il était une fois un homme qui avait une cervelle d’or ; oui, madame, une cervelle toute en or. Lorsqu’il vint au monde, les médecins pensaient que cet enfant ne vivrait pas, tant sa tête était lourde et son crâne démesuré. Il vécut cependant et grandit au soleil comme un beau plant d’olivier ; seulement sa grosse tête l’entraînait toujours, et c’était pitié de le voir se cogner à tous les meubles en marchant… Il tombait souvent. Un jour, il roula du haut d’un perron et vint donner du front contre un degré de marbre, où son crâne sonna comme un lingot. On le crut mort ; mais, en le relevant, on ne lui trouva qu’une légère blessure, avec deux ou trois gouttelettes d’or caillées dans ses cheveux blonds. C’est ainsi que les parents apprirent que l’enfant avait une cervelle en or.
La chose fut tenue secrète ; le pauvre petit lui-même ne se douta de rien. De temps en temps, il demandait pourquoi on ne le laissait plus courir devant la porte avec les garçonnets de la rue.
— On vous volerait, mon beau trésor ! lui répondait sa mère…
Alors le petit avait grand’peur d’être volé ; il retournait jouer tout seul, sans rien dire, et se trimbalait lourdement d’une salle à l’autre…
À dix-huit ans seulement, ses parents lui révélèrent le don monstrueux qu’il tenait du destin ; et, comme ils l’avaient élevé et nourri jusque-là, ils lui demandèrent en retour un peu de son or. L’enfant n’hésita pas ; sur l’heure même, — comment ? par quels moyens ? la légende ne l’a pas dit, — il s’arracha du crâne un morceau d’or massif, un morceau gros comme une noix, qu’il jeta fièrement sur les genoux de sa mère… Puis tout ébloui des richesses qu’il portait dans la tête, fou de désirs, ivre de sa puissance, il quitta la maison paternelle et s’en alla par le monde en gaspillant son trésor...
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- Écrit par David Sicé
La Famille Vourdalak (1852)
Noter que cette nouvelle a une suite ou une préquelle en français également intitulée le Rendez-vous dans trois cents ans.
Nouvelle inédite d’Alexis Tolstoï que je présume écrite en 1852 (« à l’âge de 24 ans ») en français dans le texte.
Traduction posthume en russe de Boleslav Markevich sous le titre Семья вурдалака (Sem'yá vurdaláka), publié dans The Russian Messenger en janvier 1884.
Publié pour la première fois en 1913 dans Le poète Tolstoï par André Lirondelle, réédité en 1950 dans Revue des études slaves, 1950 (p. 14-33).
Retraduit du russe au français par G. Barbizan & B. Escassut en 1946 chez MARECHAL FR,
Retraduction réédité en 2022 chez LINGUA dans une traduction révisée par Patrice Lajoye & Viktoriya Lajoye ;
Retraduit du russe vers le français par Paul Lequesne en juin 1993 pour les éditions L’ÂGE D’HOMME.
Compilé aux éditions SIRIUS FR Frissons 3 en décembre 2011.
Cette nouvelle a été adapté au cinéma sous les titres Black Sabbath 1963, The Night of the Devils 1972 et Le Vourdalak 2023.
De Alexis Tolstoï.
Pour adultes et adolescents.
(épouvante fantastique, presse) Le marquis d'Urfé, jeune diplomate français, se retrouve dans un petit village serbe, dans la maison d'un vieux paysan nommé Gorcha. L'hôte est absent : il a quitté la maison il y a dix jours avec d'autres hommes pour chasser un Turc hors-la-loi, Alibek. En partant, il a dit à ses fils, Georges et Pierre, qu'ils devaient l'attendre dix jours pile et, s'il arrivait une minute plus tard, le tuer en lui enfonçant un pieu dans le cœur car alors ce ne serait plus un homme mais un vourdalak (un vampire).
Le jour où le marquis arrive au village est le dixième jour de l'absence de Gorcha. La famille attend l'heure avec une anxiété croissante et le voilà qui apparaît sur la route à 8 heures du soir…
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La famille du Vourdalak
Fragment inédit des mémoires d’un inconnu.
L’année 1815 avait réuni à Vienne tout ce qu’il y avait de plus distingué en fait d’éruditions européennes, d’esprits de société brillants et de hautes capacités diplomatiques. Cependant, le Congrès était terminé.
Les émigrés royalistes se préparaient à rentrer définitivement dans leurs châteaux, les guerriers russes à revoir leurs foyers abandonnés et quelques Polonais mécontents à porter à Cracovie leur amour de la liberté pour l’y abriter sous la triple et douteuse indépendance que leur avaient ménagée le prince de Metternich, le prince de Hardenberg et le comte de Nesselrode.
Semblable à la fin d’un bal animé, la réunion, naguère si bruyante, s’était réduite à un petit nombre de personnes disposées au plaisir, qui, fascinées par les charmes des dames autrichiennes, tardaient à plier bagage et différaient leur départ.
Cette joyeuse société, dont je faisais partie, se rencontrait deux fois par semaine dans le château de Mme la princesse douairière de Schwarzenberg, à quelques milles de la ville, au-delà d’un petit bourg nommé Hitzing. Les grandes manières de la maîtresse du lieu, relevées par sa gracieuse amabilité et la finesse de son esprit, rendaient le séjour de sa résidence extrêmement agréable.
Nos matinées étaient consacrées à la promenade ; nous dînions tous ensemble, soit au château, soit dans les environs, et le soir, assis près d’un bon feu de cheminée, nous nous amusions à causer et à raconter des histoires. Il était sévèrement interdit de parler politique. Tout le monde en avait eu assez, et nos récits étaient empruntés soit aux légendes de nos pays respectifs, soit à nos propres souvenirs.
Un soir, lorsque chacun eut conté quelque chose et que nos esprits se trouvaient dans cet état de tension qu’augmentent ordinairement l’obscurité et le silence, le marquis d’Urfé, vieil émigré que nous aimions tous à cause de sa gaieté toute juvénile et de la manière piquante dont il parlait de ses anciennes bonnes fortunes, profita d’un moment de silence et prit la parole :
– Vos histoires, messieurs, nous dit-il, sont bien étonnantes sans doute, mais il m’est avis qu’il leur manque un point essentiel, je veux dire celui de l’authenticité, car je ne sache pas qu’aucun de vous ait vu de ses propres yeux les choses merveilleuses qu’il vient de narrer, ni qu’il en puisse affirmer la vérité sur sa parole de gentilhomme.
Nous fûmes obligés d’en convenir et le vieillard continua, en se caressant le jabot :
– Quant à moi, messieurs, je ne sais qu’une seule aventure de ce genre, mais elle est à la fois si étrange, si horrible et si vraie, qu’elle suffirait à elle seule pour frapper d’épouvante l’imagination des plus incrédules. J’en ai été malheureusement témoin et acteur en même temps, et quoique, d’ordinaire, je n’aime pas à m’en souvenir, je vous en ferai cette fois volontiers le récit dans le cas que ces dames veuillent bien me le permettre...
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Le texte intégral original français se trouve ici :
https://fr.wikisource.org/wiki/La_Famille_du_Vourdalak
Le texte intégral original français de la suite se trouve ici :
https://bibliotheque-russe-et-slave.com ... %20ans.htm
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- Écrit par David Sicé
Moby Dick (1851)
Titre original : The Whale (la Baleine).
Sorti en Angleterre le 18 octobre 1851 chez Richard Bentley,
Sorti aux USA le 14 novembre 1851 chez Harper & Brothers.
Traduit en français en 1928 par Marguerite Gay chez Gedalge.
Nombreuses rééditions et traductions.
Notamment adapté en film en 1956 avec Gregory Peck.
De Herman Melville, inspiré notamment par le naufrage du baleinier l’Essex en 1820, raconté par l'un des survivants dans Narrative of the Most Extraordinary and Distressing Shipwreck of the Whale-Ship 1821 Essex.
Pour adultes et adolescents.
(Aventure, horreur, monstre, merveilleux réaliste, presse) En décembre, Ishmael se rend de l'île de Manhattan à New Bedford, dans le Massachusetts, avec l'intention de s'engager dans un voyage de chasse à la baleine. L'auberge où il arrive est surpeuplée, il doit donc partager un lit avec Queequeg, un Polynésien cannibale et tatoué, un harponneur dont le père était roi de l'île de Rokovoko. Le lendemain matin, Ishmael et Queequeg assistent au sermon du père Mapple sur Jonas, puis se rendent à Nantucket. Ismaël s'inscrit auprès des armateurs quakers Bildad et Peleg pour un voyage sur leur baleinier Pequod. Peleg décrit le capitaine Achab : "C'est un grand homme, impie, semblable à un dieu" qui a néanmoins "ses humanités". Ils engagent Queequeg le lendemain matin. Un homme nommé Elijah prophétise un sort funeste si Ismaël et Queequeg rejoignent Achab. Pendant que les provisions sont chargées, des silhouettes sombres montent à bord du navire. Par un froid jour de Noël, le Pequod quitte le port...
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Le texte original de Herman Melville en 1851.
CHAPTER I.
LOOMINGS.
Call me Ishmael. Some years ago—never mind how long precisely—having little or no money in my purse, and nothing particular to interest me on shore, I thought I would sail about a little and see the watery part of the world. It is a way I have of driving off the spleen, and regulating the circulation. Whenever I find myself growing grim about the mouth; whenever it is a damp, drizzly November in my soul; whenever I find myself involuntarily pausing before coffin warehouses, and bringing up the rear of every funeral I meet; and especially whenever my hypos get such an upper hand of me, that it requires a strong moral principle to prevent me from deliberately stepping into the street, and methodically knocking people’s hats off—then, I account it high time to get to sea as soon as I can. This is my substitute for pistol and ball. With a philosophical flourish Cato throws himself upon his sword; I quietly take to the ship. There is nothing surprising in this. If they but knew it, almost all men in their degree, some time or other, cherish very nearly the same feelings towards the ocean with me.
There now is your insular city of the Manhattoes, belted round by wharves as Indian isles by coral reefs—commerce surrounds it with her surf. Right and left, the streets take you waterward. Its extreme down-town is the battery, where that noble mole is washed by waves, and cooled by breezes, which a few hours previous were out of sight of land. Look at the crowds of water-gazers there.
Circumambulate the city of a dreamy Sabbath afternoon. Go from Corlears Hook to Coenties Slip, and from thence, by Whitehall, northward. What do you see?—Posted like silent sentinels all around the town, stand thousands upon thousands of mortal men fixed in ocean reveries. Some leaning against the spiles; some seated upon the pier-heads; some looking over the bulwarks of ships from China; some high aloft in the rigging, as if striving to get a still better seaward peep. But these are all landsmen; of week days pent up in lath and plaster—tied to counters, nailed to benches, clinched to desks. How then is this? Are the green fields gone? What do they here?
But look! here come more crowds, pacing straight for the water, and seemingly bound for a dive. Strange! Nothing will content them but the extremest limit of the land; loitering under the shady lee of yonder warehouses will not suffice. No. They must get just as nigh the water as they possibly can without falling in. And there they stand—miles of them—leagues. Inlanders all, they come from lanes and alleys, streets and avenues—north, east, south, and west. Yet here they all unite. Tell me, does the magnetic virtue of the needles of the compasses of all those ships attract them thither?
Once more. Say, you are in the country; in some high land of lakes. Take almost any path you please, and ten to one it carries you down in a dale, and leaves you there by a pool in the stream. There is magic in it. Let the most absent-minded of men be plunged in his deepest reveries—stand that man on his legs, set his feet a-going, and he will infallibly lead you to water, if water there be in all that region. Should you ever be athirst in the great American desert, try this experiment, if your caravan happen to be supplied with a metaphysical professor. Yes, as every one knows, meditation and water are wedded for ever.
*
Traduction au plus proche
CHAPITRE PREMIER.
IMMINENCES.
Appelez-moi Ishmael. Il y a quelques années — je ne me souviens plus depuis combien de temps exactement — n'ayant pas ou peu d'argent dans ma bourse, et rien de particulier pour m'intéresser à la côte, je pensais naviguer un peu et voir la partie aquatique du monde. C’est une manière que j’ai de chasser la mélancolie et de retrouver de l’énergie. Chaque fois que je me découvre les coins de la bouche qui tombent, chaque fois qu’un mois de novembre humide et bruineux s’installe dans mon âme, chaque fois que je me surprends à m'arrêter involontairement devant les magasins de cercueils et à fermer la marche de tous les enterrements que je rencontre, et surtout chaque fois que mes bas ont tellement le dessus sur moi qu'il faut un principe moral fort pour m'empêcher de sortir délibérément dans la rue et de cogner méthodiquement les gens en pleine face, alors je considère qu'il est grand temps de prendre la mer aussitôt que possible. C'est mon substitut au pistolet et à la balle dans la tempe. Dans un geste philosophique, Caton se jette sur son épée ; moi, je m'embarque tranquillement sur un navire. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Si seulement ils le savaient, presque tous les hommes à leur degré, à un moment ou à un autre, éprouveraient presque les mêmes sentiments que moi à l'égard de l'océan.
Et voilà maintenant notre ville insulaire de Manhattan, entourée de quais comme les îles indiennes le sont de récifs coralliens — le commerce l'entoure de l’écume de ses vagues. A droite et à gauche, les rues vous mènent à l'eau. L'extrémité de la ville est le parc de la Batterie d’Artillerie, où ce noble môle est lessivé par les vagues et rafraîchi par des brises qui, quelques heures auparavant, ignoraient tout de la terre. Regardez donc les foules de scrutateurs des eaux qui s'y trouvent postés.
Faites donc le tour de la ville par un après-midi de sabbat rêveur. Allez des quais mal famés de Corlaer à la promenade des halages de Coenties, et de là, par Maison-Blanche, en direction du le nord. Que voyez-vous ? — Posés comme des sentinelles silencieuses tout autour de la ville, des milliers et des milliers de mortels plongés dans des rêveries océaniques. Certains sont adossés aux pilotis, d'autres sont assis sur le rebord du bout des quais, d'autres encore regardent par-dessus les bastingages des navires venus de Chine, d'autres enfin sont haut perchés dans les gréements, comme s'ils s'efforçaient d'avoir un aperçu plus vaste du lointain de la mer. Mais ceux-là sont tous des terriens, qui passent leurs semaine enfermés entre des lambris et du plâtre, ligotés à leurs comptoirs, cloués à leurs bancs, cramponnés à leurs bureaux. Mais comment expliquer ça ? Où sont passés les champs verdoyants ? Qu’ont-ils à faire plantés là ?
Mais regardez donc ! Voilà qu’arrivent d'autres foules marchant droit vers l'eau comme résolus à y plonger. Étrange ! Rien ne peut les satisfaire sinon d’arriver tout au bout de la terre ; flâner sous le vent à l’ombre de ces entrepôts ne leur suffira pas. Non. Ils doivent s'approcher le plus possible de l'eau au risque d’y tomber. Et les voilà qui se tiennent en rang debout, des kilomètres d’entre eux. Tous des terriens, ils arrivent des ruelles et des allées, des rues et des avenues, du nord, de l'est, du sud et de l'ouest. Et pourtant, ici, ils se retrouvent tous réunis. Dites-moi, est-ce le pouvoir magnétique des aiguilles des compas de tous ces navires qui les attire ici ?
Mais encore. Imaginez que vous soyez à la campagne, dans quelque haute terre de lacs. Prenez presque n'importe quel chemin, et dix contre un qu'il vous descendra dans un vallon, et vous laissera là près d'une mare remplie par un cours d’eau. Il y a de la magie là-dessous. Que le plus distrait des hommes soit plongé dans ses plus profondes rêveries, mettez-le sur ses pieds, faites-le marcher, et il vous conduira infailliblement à l'eau, si eau il y a dans toute cette région. Et si jamais il vous prenait d’avoir soif dans le grand désert américain, tentez cette expérience, si par hasard votre caravane comportait un professeur de métaphysique. Oui, comme tout le monde le sait, la méditation et l'eau sont mariées à jamais.
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La traduction française de Marguerite Gay de 1928
CHAPITRE I
Mirage
Appelez-moi Ismaël. Voici quelques années — peu importe combien — le porte-monnaie vide ou presque, rien ne me retenant à terre, je songeai à naviguer un peu et à voir l’étendue liquide du globe. C’est une méthode à moi pour secouer la mélancolie et rajeunir le sang. Quand je sens s’abaisser le coin de mes lèvres, quand s’installe en mon âme le crachin d’un humide novembre, quand je me surprends à faire halte devant l’échoppe du fabricant de cercueils et à emboîter le pas à tout enterrement que je croise, et, plus particulièrement, lorsque mon hypocondrie me tient si fortement que je dois faire appel à tout mon sens moral pour me retenir de me ruer délibérément dans la rue, afin d’arracher systématiquement à tout un chacun son chapeau… alors, j’estime qu’il est grand temps pour moi de prendre la mer. Cela me tient lieu de balle et de pistolet. Caton se lance contre son épée avec un panache philosophique, moi, je m’embarque tranquillement ; Il n’y a là rien de surprenant. S’ils en étaient conscients, presque tous les hommes ont, une fois ou l’autre, nourri, à leur manière, envers l’Océan, des sentiments pareils aux miens.
Voyez votre cité sur l’île de Manhattan, ceinturée de quais comme les récifs de corail entourent les îles des mers du sud, et que le commerce bat de toutes parts son ressac. A droite et à gauche ses rues mènent à la mer. La Batterie forme l’extrême pointe de la ville basse, dont le noble môle est balayé par les vagues et les vents frais encore éloignés de la terre quelques heures auparavant. Voyez, se réunir là, la foule des badauds de la mer !
Flânez dans la ville par une rêveuse après-midi de Sabbat. Allez de Corlears Hook à Coenties Slip, de là poussez au nord par Whitehall. Que voyez-vous ? Sentinelles silencieuses, plantées partout dans la ville, des milliers et des milliers d’hommes sont figés dans des songes océaniques. Les uns sont adossés aux pilotis, les autres assis au bout des digues, certains se penchent vers les pavois des navires de la Chine, d’autres, comme pour mieux contempler la mer, se sont hissés les gréements. Mais tous sont des terriens, cloîtrés toute la semaine entre des cloisons de bois ou de plâtre… rivés à des comptoirs, cloués à des bancs, courbés sur des bureaux. Comment cela se fait-il ? Les vertes prairies ont-elles disparues ? Que font-ils là ?
Mais voyez ! voici que des foules nouvelles arrivent, fonçant droit vers l’eau, destinées, semble-t-il, à un plongeon. Étrange ! Rien en paraît devoir les satisfaire hormis l’ultime limite de la terre, une halte dans l’ombre abritée des entrepôts ne leur suffit pas. Non, il leur faut s’approcher de l’eau d’aussi près qu’ils le peuvent sans y tomber. Et ils sont là, échelonnés sur des milles, sur des lieues. Tous venus, de l’intérieur des terres, par les sentiers et les allées, les rues et les avenues, du nord, de l’est, du sud et de l’ouest. Ils se sont tous agglutinés là, pourtant. Dites-moi, le pouvoir magnétique des aiguilles de tous ces compas marins les a-t-il attirés d’aussi loin ?
Et encore. Imaginez que vous êtes à la campagne, dans quelque haute région de lacs. Prenez le chemin qu’il vous plaira, n’importe lequel, neuf fois sur dix, il vous amènera au fond d’un vallon, près d’une flaque abandonnée par un ruisseau. C’est de la magie ! Prenez le plus distrait des hommes, absorbé dans la plus profonde des rêveries, dressez-le sur ses jambes, incitez-le à poser un pied devant l’autre, et il vous conduira infailliblement vers l’eau, pour autant qu’il y en ait dans la région. Viendriez-vous à mourir de soif dans le grand désert américain, tentez l’expérience si un professeur de métaphysique fait partie de votre caravane. Certes, chacun le sait, l’eau et la méditation vont de pair à jamais.
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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- Écrit par David Sicé
Østenfor sol og vestenfor måne (1844)
Titre français : A l’Est du Soleil, à l’Ouest de la Lune.
Titre anglais : East of the Sun and West of the Moon.
Ce conte est une très probable transposition populaire d'un chapitre des Métamorphoses d'Ovide.
Publié pour la première fois en Norvège dans Norske Folkeeventyr, volume 2 en 1844.
Traduit en anglais notamment sous la direction d’Andrew Langue dans The Blue Fairybook en 1889.
Notamment adapté en français par Anne Dechanet pour une édition illustrée par P. J. Lynch aux éditions Gründ en 1991.
De Peter Christen Asbjörnsen.
Pour tout public.
(Fantasy) Un Ours Blanc frappe à la porte d’un paysan et lui offre d’acheter sa plus jeune fille, la plus belle, pour toutes les richesses dont il rêve. La jeune fille n’est pas d’accord, le paysan et ses frères et sœurs le sont et la jeune fille cède et part à dos d’Ours Blanc jusqu’à un riche château enchanté. Seulement la nuit, un homme qu’elle ne connait pas plus vient visiter son lit dans l’obscurité totale, seulement pour dormir avec elle. La jeune fille s’en accommode, puis comme le temps passe, cela la chagrine et elle commence à se poser des questions…
Illustration extraite du Blue Fairy Book de 1889 d'Andrew Lang.
Toute ressemblance avec l'héroïne d'à la Croisée des Mondes 1: Les royaumes du Nord de Philip Pullman n'est pas une coïncidence.
*
Le texte original norvégien de Peter Christen Asbjörnsen extrait de Norske Folkeeventyr volume 2 publié en 1844.
Østenfor sol og vestenfor måne
Det var engang en fattig husmann, som hadde stua full av barn og ikke stort å gi dem, hverken av mat eller klær; vakre var de alle, men den vakreste var den yngste datteren, som var så vakker at det ikke var måte på det.
Så var det en torsdagskveld sent om høsten; det var stygt vær ute og fælt mørkt, og regne og blåse gjorde det så det knaket i veggene; de satt omkring peisen og hadde noe å stelle med alle sammen. Rett som det var, så banket det tre ganger på ruten. Mannen gikk ut og skulle se hva som var på ferde, og da han kom ut, sto der en stor, stor kvitbjørn der.
"God kveld du!" sa kvitbjørnen.
"God kveld!" sa mannen.
"Vil du gi meg den yngste datteren din, skal jeg gjøre deg likså rik som du nå er fattig," sa han.
Ja, mannen syntes det var nokså gildt at han skulle bli så rik, men han syntes da han måtte snakke med datteren først, og gikk inn og sa at det var en stor kvitbjørn ute, som lovte han skulle gjøre dem så rike, når han bare kunne få henne. Hun sa nei og ville nødig, og så gikk mannen ut igjen, og ble så forlikt med kvitbjørnen at den skulle komme igjen neste torsdagskvelden og hente svar. Imens ga de henne hverken rist eller ro, de snakket og leste opp for henne om all rikdommen de skulle komme til, og om hvor godt hun skulle ha det selv, og til sist ga hun seg da. Hun vasket seg og stelte i stand fillene sine, pyntet seg gå godt hun kunne, og holdt seg reiseferdig. Ikke stort var det hun skulle ha med heller.
Neste torsdagskvelden kom kvitbjørnen og skulle hente henne; hun satte seg på ryggen av den med tullen sin, og så bar det avsted.
Da de hadde kommet et godt stykke på veien, sa kvitbjørnen: "Er du redd?"
— Nei, det var hun da ikke.
"Ja, hold deg bare godt fast i ragget mitt, så har det ingen fare heller," sa den.
*
La traduction au plus proche du norvégien
A l'est du soleil et à l’ouest de la lune
Il était une fois un pauvre maître de maison qui avait un foyer plein d'enfants et pas grand-chose à leur donner, ni nourriture ni vêtements ; elles étaient toutes jolies, mais la plus jolie était la plus jeune fille, qui était si belle qu'il n'y avait pas moyen de s'en passer.
Puis c'était un jeudi soir à la fin de l'automne ; il faisait mauvais dehors et terriblement sombre, et la pluie et le vent faisaient que les murs se fendillaient ; ils s'asseyaient autour de la cheminée et s'occupaient de tout le monde. Ainsi il en était, lorsqu’on frappa trois fois sur le carreau de la fenêtre. L'homme sortit pour voir ce qui se passait, et quand il fut dehors, il y avait un grand, grand ours blanc qui se tenait là.
— Bonsoir à toi ! dit l'ours blanc.
— Bonsoir ! dit l'homme.
— Si vous me donnez votre plus jeune fille, je vous rendrai aussi riche que vous êtes maintenant pauvre, l’ours déclara.
Oui, l'homme pensa que c'était une bonne chose qu'il devienne si riche, mais il pensa aussi qu'il devait d'abord parler à sa fille, et il retourna à l’intérieur et dit qu'il y avait un gros ours blanc dehors, qui avait promis qu'il les feraient très riche, s’il pouvait l'avoir. Elle répondit non, dégoûtée, alors l'homme est ressorti et s’accorda avec l'ours blanc pour qu’il revienne le jeudi soir suivant pour obtenir sa réponse. En attendant, ils ne donnèrent à la jeune fille ni repos ni répit, ils lui parlèrent et lui firent la liste de toutes les richesses qu'ils allaient obtenir, et à quel point elle allait s’en trouver bien, et finalement elle renonça. Elle lava et arrangea ses haillons, s'habilla du mieux qu'elle pu et se tena prête pour le voyage. Ce qu'elle pouvait emporter n'était pas grand-chose.
Le jeudi soir suivant, l'ours blanc vint la chercher ; elle s’asseya à l'arrière avec son ballot, puis ils s’en allèrent.
Quand ils eurent parcouru une bonne distance sur la route, l'ours blanc demanda : « As-tu peur ?
— Non, je n’ai pas peur.
— Eh bien, tiens-toi bien à mon manteau et tu ne courras aucun danger, dit-il.
*
Le texte anglais d’Andrew Lang de 1889 pour The Blue Fairybook.
East of the Sun and West of the Moon
Once upon a time there was a poor husbandman who had many children and little to give them in the way either of food or clothing. They were all pretty, but the prettiest of all was the youngest daughter, who was so beautiful that there were no bounds to her beauty.
So once—it was late on a Thursday evening in autumn, and wild weather outside, terribly dark, and raining so heavily and blowing so hard that the walls of the cottage shook again—they were all sitting together by the fireside, each of them busy with something or other, when suddenly some one rapped three times against the window-pane. The man went out to see what could be the matter, and when he got out there stood a great big white bear.
“Good-evening to you,” said the White Bear.
“Good-evening,” said the man.
“Will you give me your youngest daughter?” said the White Bear; “if you will, you shall be as rich as you are now poor.”
Truly the man would have had no objection to be rich, but he thought to himself: “I must first ask my daughter about this,” so he went in and told them that there was a great white bear outside who had faithfully promised to make them all rich if he might but have the youngest daughter.
She said no, and would not hear of it; so the man went out again, and settled with the White Bear that he should come again next Thursday evening, and get her answer. Then the man persuaded her, and talked so much to her about the wealth that they would have, and what a good thing it would be for herself, that at last she made up her mind to go, and washed and mended all her rags, made herself as smart as she could, and held herself in readiness to set out. Little enough had she to take away with her.
Next Thursday evening the White Bear came to fetch her. She seated herself on his back with her bundle, and thus they departed. When they had gone a great part of the way, the White Bear said: “Are you afraid?”
“No, that I am not,” said she.
“Keep tight hold of my fur, and then there is no danger,” said he.
*
La traduction au plus proche de l’anglais
À l'est du soleil et à l'ouest de la lune
Il était une fois un pauvre paysan qui avait beaucoup d'enfants et peu de choses à leur donner, que ce soit en nourriture ou en vêtements. Ils étaient tous jolis, mais la plus jolie de tous était la plus jeune des filles, qui était si belle qu'il n'y avait pas de limites à sa beauté.
Un jour - c'était tard un jeudi soir d'automne, il faisait un temps sauvage dehors, terriblement sombre, et il pleuvait si fort et soufflait si fort que les murs de la maison tremblaient à nouveau - ils étaient tous assis ensemble au coin du feu, chacun occupé à quelque chose, quand soudain quelqu'un frappa trois fois contre le carreau de la fenêtre. L'homme sortit pour voir ce qui se passait, et quand il sortit, un grand ours blanc se tenait là.
— Bonsoir à vous, dit l'ours blanc.
— Bonsoir, dit l'homme.
— Veux-tu me donner ta plus jeune fille ? dit l'Ours blanc ; si tu le fais, tu seras aussi riche que tu es pauvre maintenant.
En vérité, l'homme n'aurait eu aucune objection à être riche, mais il se dit à lui-même : « Je dois d’abord parler de ça à ma fille. » Il revint donc à l’intérieur et leur dit qu'il y avait dehors un grand ours blanc qui avait promis sur l’honneur de les rendre tous riches s'il pouvait avoir la plus jeune de ses filles.
Elle refusa et ne voulut plus en entendre parler. L'homme ressortit donc et s'entendit avec l'ours blanc pour qu'il revienne jeudi soir prochain et obtienne sa réponse. L'homme la pressa, et lui parla tellement de la richesse qu'ils auraient, et de ce que ce serait une bonne chose pour elle, qu’à la fin elle se décida à partir, lava et raccommoda toutes ses guenilles, se fit aussi belle que possible, et se tint prête à partir. Elle avait assez peu de choses à emporter avec elle.
Le jeudi soir suivant, l'Ours blanc vint la chercher. Elle s'assit sur son dos avec son paquet, et c'est ainsi qu'ils partirent. Quand ils eurent fait une bonne partie du chemin, l'Ours blanc dit : "As-tu peur ?
— Non, je n'ai pas peur, dit-elle.
— Tiens-toi bien à ma fourrure, et il n'y aura aucun danger, dit-il.
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L’adaptation française de Anne Dechanet de 1991 pour Gründ
À l'est du soleil et à l'ouest de la lune
Il était une fois un pauvre homme qui avait tant d’enfants qu’il ne pouvait pas tous les nourrir ni les vêtir. Ses enfants étaient tous très beaux, mais la cadette était de loin la plus jolie, c’était vraiment la plus jolie fillette qu’on puisse imaginer.
Un jeudi soir — on était en automne —, il faisait si mauvais dehors que les murs de la chaumière se mirent à trembler. La nuit était noire, et la pluie tombait, et le vent soufflait. Ils étaient tous assis devant la cheminée, occupés à diverses besognes lorsque, soudain, ils entendirent frapper au carreau de la fenêtre. Le père sortit pour voir ce qui se passait et se retrouva devant un grand Ours Blanc.
— Bonsoir à vous.
— A vous de même, répondit l’homme.
— Accepteriez-vous de me donner votre cadette ? demanda l’Ours. En échange, je vous rendrai aussi riche que vous êtes pauvre.
Devenir riche ne déplaisait pas à l’homme.
Mais il devait d’abord s’entretenir avec sa fille. Il rentra dans la maison et expliqua à ses enfants qu’un grand Ours Blanc attendait dehors et lui avait promis de les rendre très riches s’il pouvait emmener la cadette.
— Non ! s’écria immédiatement la jeune fille. Et il fut impossible de la faire changer d’avis. Alors l’homme ressortit et expliqua à l’Ours Blanc qu’il aurait une réponse le jeudi suivant.
Entre-temps, le père ne cessa de parler à sa fille, de lui dire combien ils seraient riches, et combien elle serait heureuse. Il parla tant qu’elle finit par céder, lava et raccommoda ses guenilles, et se fit aussi élégante que possible. Elle fut bientôt prête à partir. Elle avait peu de choses à emporter.
Le jeudi soir, l’Ours Blanc vint la chercher.
Elle grimpa sur son dos avec son petit baluchon, puis ils partirent. Ils avaient déjà parcouru un long chemin, lorsque l’Ours lui demanda :
— Tu n’as pas peur ?
Non, elle n’avait pas peur.
— Tu ne risques rien si tu t’accroches bien fort à ma fourrure, lui dit l’Ours…
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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