La nuit du chasseur, le film de 1955
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Night Of The Hunter (1955)
Sorti aux USA le 26 août 1955.
Sorti en France le 11 mai 1956.
Sorti en blu-ray américain le 16 novembre 2010 chez CRITERION (région A, anglais LPCM 1.0, pas de version ou sous-titres français).
Sorti en blu-ray français le 31 octobre 2012, coffret collector 1BR, 2DVD, 1CD (région B, anglais DTS HD MA 1.0, version française, sous-titres forcés), épuisé.
Sorti en blu-ray français le 4 septembre 2013 BR+DVD (région B, anglais DTS HD MA 1.0, version française, sous-titres forcés).
Ici l'article de ce blog sur le blu-ray américain de 2010 de la Nuit du Chasseur (1955)
De Charles Laughton (également scénariste), sur un scénario de James Agee, d'après le roman de Davis Grubb ; avec Robert Mitchum, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, Shelley Winters, Lillian Gish.
Pour adultes et adolescents.
Rêve, mon petit, rêve
Rôde dans la nuit le chasseur
Gonfle ton cœur enfantin, de peur
La peur est juste un rêve
Alors rêve, mon petit, rêve…
La vieille dame disait : Alors vous vous souvenez les enfants comme je vous avais raconté dimanche dernier à propos du bon Seigneur qui montait jusqu’en haut de la montagne et parlait au peuple, et comme il disait « que soient bénis les cœurs purs car ils verront tous Dieu », et comme il disait que le Roi Salomon, dans toute sa gloire, n’était pas aussi merveilleux que les lys dans le pré ? Et je sais que vous n’oublierez pas « Ne juge pas sans quoi tu seras toi-même jugé », parce que je vous l’ai expliqué. Et puis le bon Seigneur vint à dire : « Méfiez-toi des faux prophètes, qui viennent à vous habillés en mouton, mais qui sont à l’intérieur des loups voraces. Tu les reconnaîtras à leurs fruits… »
Des enfants filent dans toutes les directions, tandis que l’un est resté face à l’arbre pour compter de cinq en cinq à toute vitesse jusqu’à cent. Il quitte l’arbre immédiatement, et va vers le seul garçon resté immobile devant la trappe ouverte de la cave de la maison voisine, et demande ce qui ne va pas. Le garçon immobile ne répond pas, mais pointe du doigt les jambes d’une jeune femme renversée au bas des marches de l’escalier. Tous les enfants se rassemblent devant la trappe.
Un arbre bon ne peut pas porter de fruits maléfiques, pas davantage que ne peut un arbre corrompu porter un fruit bon. De là, par leurs fruits, tu les reconnaîtras.
Sur la route qui quitte la maison, s’en va, joyeux et fier, un pasteur dans son automobile. Le pasteur parle tout seul et demande au Seigneur ce qu’il arrivera ensuite : une autre veuve ? Cela en fait déjà six, ou douze – il ne se souvient pas : le Seigneur n’a qu’à lui dire quelle sera la prochaine, il est déjà en route. Selon le pasteur, le Seigneur lui envoie toujours l’argent qu’il lui faut pour avancer et prêcher sa parole : une veuve avec une petite liaisse de billets cachés dans un pôt à sucre.
Comme il traverse une ville puis passe devant une église, le pasteur soupire : il se sent fatigué et pense que le Seigneur ne comprend pas sa fatigue. Selon le pasteur, le Seigneur comprend les meurtres parce que son Livre est plein de meurtres – mais il y a des choses que le Seigneur déteste, des choses qui sentent le parfum, des choses avec de la dentelle, des choses avec des cheveux bouclés… Et le pasteur de s’arrêter en ville pour se payer un spectacle de strip-teaseuse. Assis dans le noir, le pasteur grimace, son poing gauche tatoué « Haine » crispé sur sa cuisse. Il finit par rentrer son poing dans sa poche, et avec un clac, la lame de son couteau à cran d’arrêt jaillit de sa poche. Alors le pasteur lève les yeux au ciel et soupire : « il y en a trop : on ne peut pas tuer le monde entier. » C’est alors qu’un policier lui pose la main sur l’épaule : le pasteur conduit une voiture de tourisme immatriculée à Moundsville : et, pour le vol de cette voiture de tourisme, Harry Powell est condamné à passer trente jours au pénitencier de Moundsville. Lorsque Harry Powell tente de corriger le juge lorsque ce dernier prononce sa sentence, afin que le Juge l’appelle « Prêcheur » (Pasteur), le juge rétorque qu’un voleur de voiture ne peut être un homme de Dieu et maintient son verdict.
Ailleurs, dans une prairie remplie de fleurs, un garçon répare la poupée d’une petite fille. Soudain, leur père arrive en voiture au milieu du jardin. Son fils accoure, joyeux. Le père demande où est sa mère ; le fils répond qu’elle est partie faire des courses, puis remarque que son père saigne. Alors son père lui demande de l’écouter : la liasse de billet qu’il tient dans sa main droite (il a un révolver dans sa main gauche), il faut la cacher avant qu’ « ils » arrivent. Il y en aurait pour près de 10.000 dollars. Ils entendent alors une sirène de police arriver, tandis que le père envisage plusieurs cachettes, puis réalise où personne n’ira chercher l’argent.
Comme la police arrive, le père s’agenouille et dit à son fils : le garçon doit d’abord jurer qu’il s’occupera de la petite Pearl, sur sa vie. Ensuite il doit jurer qu’il ne dira jamais où l’argent est caché, même pas à sa mère. Le garçon jure et s’étonne d’avoir à garder le secret de sa mère, mais son père explique que le garçon a du bon sens, et pas sa mère, et il veut que cet argent revienne à son fils quand celui-ci aura grandi… Puis il se relève et demande au garçon de se redresser et de jurer solennellement, main levée, en répétant son serment : il protègera Perle sur sa vie et ne dira jamais où est l’argent. Quatre policiers arrivent, pistolet au point et appelle le père par son nom, Ben Harper. Puis ils plaquent le père à terre et l’emmène, choquant le garçon. Sa mère arrive. Le garçon, John, tourne simplement les talons et s'en va, tandis que sa mère prend sa petite sœur dans les bras.
Plus tard, Ben Harper est condamné à être pendu par le cou par le même juge que Harry Powell pour le meurtre de Ed Smiley et Corey South. Seulement, lorsqu’il partage sa cellule avec Harry Powell, il ne peut s’empêcher de parler dans son sommeil, et Harry Powell tente de lui faire avouer où il a caché l’argent. Harper se réveille et lui donne un coup de poing : Harry Powell a quand même entendu parler Harper d’enfants, et comme il tente de jouer sur la culpabilité de Harper quand à son double meurtre, Harper rétorque qu’il ne supportait pas l’idée de voir ses enfants mourir de faim comme tant d’autres sur les routes en cette période de Grande Dépression. Et comme Harper est conduit à la potence, Harry Powell remercie le Seigneur de l’avoir conduit en prison, dans la même cellule qu’un homme qui a laissé une veuve avec 10.000 dollars qui l’attendent bien cachés.
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce film.
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Calendrier cinéma 1954
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Voici la liste des articles de ce blog consacrés aux films de Science-fiction, Fantasy, Fantastique et Aventure annoncé pour l'année 1954. Cette liste sera mise à jour au fur et à mesure de la rédaction des articles.
Ici le calendrier cinéma pour 1955.
Ici le calendrier cinéma pour 1953.
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Annoncés pour décembre 1954
Aux USA
20.000 Lieues sous les mers (23 décembre 1954, 20.000 Leagues Under The Sea)
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Octobre 1954
En Angleterre
Gog 1954 (3D, robots, 18 octobre 1954)
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Septembre 1954
En France
La légende de l'épée magique 1953 (17 septembre 1954, The Golden Blade, L'épée magique)
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Juillet 1954
En Angleterre
Them! Les monstres attaquent la ville 1954**** (monstres, horreur, 15 juin 1954)
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Juin 1954
Aux USA
Gog 1954** (3D, robots, 5 juin 1954)
Them! Les monstres attaquent la ville 1954**** (monstres, horreur, 15 juin 1954)
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Mars 1954
Aux USA
L'étrange créature du lac noir (5 mars 1954, The Creature From The Black Lagoon)
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Janvier 1954
Aux USA
Riders To The Stars 1954 (space opera, 14 janvier 1954)
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Brikol-Âge, la nouvelle de 1954 de Clifford D. Simak
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How-2 (1954)
Sorti dans Galaxy Science Fiction en novembre 1954.
Traduit en français en avril 1955 dans Galaxy Science-fiction sous le titre Plus besoin d’hommes.
Traduit en avril 1974 sous le titre Brikol’âge par Micheline Legras-Wechsler pour Le Livre de Poche dans La Grande Anthologie de la Science-fiction : Histoires de Robots, réédité en février 1975, février 1976, août 1978, octobre 1993.
De Clifford D. Simak.
Pour adultes et adolescents.
(Prospective, robot, satire) Gordon Knight est un inconditionnel des kits How-2 qui permettent à n’importe qui capable de suivre à la lettre le manuel d’instruction de construire quelque chose ou de rendre un service pour un moindre prix, avec en bonus le fait d’occuper le temps libre considérable que les citoyens du futur doivent gérer. Mais alors qu’il se sent assez entraîné pour assembler un chien biologique en kit, Chevalier reçoit une boite apparemment mal étiqueté d’un modèle plus grand. Le défi d’assembler quelque chose de surprenant le tente, et, comme Chevallier suit les instructions à la lettre jusqu’au bout, il se retrouve avec à son service un robot expérimental multitâche dévoué et attachant.…
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Le texte original de Clifford D. Simak pour le magazine Galaxy, dans le numéro 48 de novembre 1954.
HOW-2
Are you lonesome? Bored? Then do as Knight
did—acquire a hobby of some kind—but make
sure that your hobby does not acquire you!
Gordon Knight was anxious for the five-hour day to end so he could rush home. For this was the day he should receive the How-2 Kit he’d ordered and he was anxious to get to work on it.
It wasn’t only that he had always wanted a dog, although that was more than half of it—but, with this kit, he would be trying something new. He’d never handled any How-2 Kit with biologic components and he was considerably excited. Although, of course, the dog would be biologic only to a limited degree and some of it would be packaged, anyhow, and all he’d have to do would be assemble it. But it was something new and he wanted to get started.
He was thinking of the dog so hard that he was mildly irritated when Randall Stewart, returning from one of his numerous trips to the water fountain, stopped at his desk to give him a progress report on home dentistry.
“It’s easy;” Stewart told him. “Nothing to it if you follow the instructions. Here, look — I did this one last night.”
He then squatted down beside Knight’s desk and opened his mouth, proudly pulling it out of shape with his fingers so Knight could see.
“Thish un ere,” said Stewart, blindly attempting to point, with a wildly waggling finger, at the tooth in question.
He let his face snape back together.
“Filled it myself,” he announced complacently. “Rigged up a series of mirrors to see what I was doing. They came right in the kit, so all I had to do was follow the instructions.”
He reached a finger deep inside his mouth and probed tenderly at his handiwork. “A little awkward, working on yourself. On someone else, of course, there’d be nothing to it.”
He waited hopefully.
“Must be interesting,” said Knight.
“Economical, too. No use paying the dentists the prices they ask. Figure I’ll practice on myself and then take on the family. Some of my friends, even, if they want me to.”
He regarded Knight intently.
Knight failed to rise to the dangling bait.
Stewart gave up. “I’m going to try cleaning next. You got to dig down beneath the gums and break loose the tartar.
***
La traduction au plus proche.
PRO-C
Vous vous sentez seul ? lassé ? Alors faites
comme Chevalier a fait — faites-vous cadeau d’un passe-temps
d’un genre quelconque — mais veillez alors à que ce passe-temps
ne fasse pas de vous son propre cadeau!
Georges Chevalier avait hâte que sa journée de cinq heures finisse pour pouvoir se dépêcher de rentrer chez lui. Car, c'était le jour où il devait recevoir le kit Pro-C qu'il avait commandé, et il avait hâte de se mettre au travail.
Ce n'était pas seulement parce qu'il avait toujours voulu un chien, bien que cela comptait pour plus de la moitié, mais parce qu'avec ce kit, il allait essayer quelque chose de nouveau. Il n'avait jamais eu à gérer un kit Pro-C contenant des éléments biologiques, et il en était considérablement excité. Bien sûr, le chien ne serait biologique qu’à un degré limité et une partie serait déjà assemblée, de toute façon, et tout ce qu'il aurait à faire serait de l'assembler. Mais c'était quelque chose de nouveau et il voulait se lancer.
Il pensait tellement à ce chien qu'il s’en trouva légèrement irrité alors que Randolph Portier, revenant d'une de ses nombreuses visites à la fontaine à eau, s'arrêta à son bureau pour lui faire un rapport sur ses progrès en matière de soins dentaires à domicile.
— C'est facile, lui disait Portier. Il suffit de suivre les instructions. Tiens, regarde : j'ai fait celle-là hier soir.
Il s'est ensuite accroupi à côté du bureau de Chevalier et a ouvert la bouche, l’étirant fièrement avec ses doigts pour que Chevalier puisse voir.
— Chelle-là, là, disait Portier, essayant de pointer à à l’aveugle d’un doigt tremblotant la dent en question.
Puis il laissa son visage reprendre ses traits d’origine.
— Je l’ai plombée moi-même, il annonça complaisamment. J'ai monté une série de miroirs pour voir ce que je faisais. Ils étaient fournis dans le kit, alors tout ce que j’avais à faire, c’était des uivre les instructions."
Il introduisit un doigt profondément dans sa bouche et sonda tendrement son ouvrage.
— C'est un peu embarrassant de travailler sur soi-même. Sur quelqu'un d'autre, bien sûr, ça ne serait rien du tout.
Il attendit avec espoir.
— Cela doit être intéressant, répondit Chevalier.
— Et économique aussi. Plus besoin de payer le genre de prix que demandent les dentistes. Je me suis dit que je pratiquerais d’abord sur moi et après je m’occuperais de ma famille. Et peut-être même de certains de mes amis, s’ils me le demandent.
Et de regarder Chevalier intensément.
Chevalier ne daigna pas mordre à l'hameçon.
Portier abandonna.
— Je vais m’essayer ensuite au détartrage. Il faut creuser sous les gencives et enlever le tartre. Il y a une sorte de crochet avec lequel on fait ça. Il n'y a pas de raison qu'un homme ne s'occupe pas lui-même de ses dents au lieu de payer un dentiste.
— Ça ne m’a pas l'air trop difficile, admit Chevalier.
***
La traduction anonyme (approximative et non intégrale) pour Galaxie Science-fiction #17 d’avril 1955.
PLUS BESOIN D’HOMMES
Cherchez vous un remède contre la solitude ou l’ennui ? Faites comme Gordon Knight, offrez une pâture à votre activité.
PLUS BESOIN D’HOMMES
Cherchez vous un remède contre la solitude ou l’ennui ? Faites comme Gordon Knight, offrez une pâture à votre activité.
Gordon Knight était impatient d’achever ses cinq heures quotidiennes de bureau. Chez lui l’attendait la trousse Rob-2 qu’il avait commandée : il lui tardait de se mettre au travail.
Il avait toujours voulu un chien, mais ce n’était pas la seule raison de son exaltation. Cette trousse lui ouvrait des horizons nouveaux ; l’idée de travailler sur des éléments biologiques le passionnait. Evidemment, le chien ne serait pas absolument vivant. C’était tout de même une expérience excitante.
Lorsque Randall Stewart, au retour d’une de ses nombreuses stations au bar, s’arrêta devant son bureau pour lui confier ses impressions de dentiste amateur, Gordon s’impatienta.
— Rien de plus simple, commença Stewart, si l’on suit les instructions à la lettre. Tiens, regarde ! Je me suis soigné cette dent hier au soir.
— La voilà ! dit Stewart, pointant un doigt vers un coin de sa mâchoire.
« J’ai fait le plombage moi-même : il m’a fallu monter tout un échafaudage de miroirs pour voir ce que je faisais. Mais tout se trouve dans la trousse….
— Intéressant ! répondit Gordon, croyant se débarrasser du gêneur.
— Et économique ! Je vais m’essayer au nettoyage, maintenant On est obligé d’enfoncer l’instrument sous la gencive pour décoller le tartre. On se sert d’une sorte de crochet. Je ne vois vraiment pas pourquoi on ne s’occupe pas soi-même de ses dents… Il faut seulement suivre les instructions. Quand on le suit, on peut faire n’importe quoi !
Il a raison, pensa Gordon. On peut vraiment tout faire en suivant scrupuleusement les instructions ; à condition de ne pas se précipiter…
***
La traduction de Micheline Legras-Wechsler pour Le Livre de Poche en 1974. Avec les erreurs de traduction d’origine.
BRIKOL’AGE
I
Gordon Knight attendait avec impatience que s’achèvent ses cinq heures quotidiennes de bureau pour pouvoir se précipiter chez lui. C’était aujourd’hui qu’il devait receboir le coffret Brikol qu’il avait commandé, et il lui tardait de se mettre au travail.
Il avait toujours désiré un chien, c’est vrai, mais il y avait autre chose : ce coffret lui ouvrait des horizons nouveaux. Il n’avait jamais eu entre les mains de coffret Brikol comprenant des éléments biologiques, et il se sentait très ému. Evidemment, ce ne serait pas tout à fait un chien biologique et, de toute façon, il serait déjà en partie monté ; il ne lui resterait plus qu’à assembler les pièces. Mais c’était une nouvelle expérience et il avait hâte de commencer.
L’idée de ce chien l’obsédait tellement qu’il ressentit un léger agacement lorsque Randall Stuart, qui s’était une fois de plus absenté pour aller boire à la fontaine, s’arrêta au retour devant son bureau pour lui vanter ses progrès de dentiste amateur.
« C’est facile, lui déclara Stuart. Rien de plus simple, si l’on suit les instructions à la lettre. Tiens, regarde ! Je me suis soigné celle-là hier soir ! »
Il s’accroupit alors près du bureau de Knight et ouvrit sa bouche avec fierté, se la déformant presque à force de tirer avec ses doigts pour que Knight pût voir.
« Celle-là », dit Stewart, essayant sans succès d’indiquer la fameuse dent d’un doigt hésitant et fébrile.
Il laissa son visage reprendre son aspect normal.
« J’ai fait le plombage moi-même, annonça-t-il avec suffisance, il m’a fallu monter tout un échaffaudage de miroirs pour voir ce que je faisais. Mais tout se trouvait dans le coffret ; je n’ai eu qu’à suivre le mode d’emploi. »
Il s’enfonça un doigt profondément dans la bouche pour palper délicatement son ouvrage. « Ça fait une drôle d’impression, de le faire soi-même. Sur quelqu’un d’autre, bien sûr, ce n’est pas pareil. »
Il attendait sans se décourager.
« Ça doit être intéressant, dit Knight.
— Et économique ! Pas la peine de payer si cher les dentistes. Rends-toi compte un peu si je me soigne tout seul, et puis ensuite ma famille. Et puis aussi des amis, pourquoi pas, s’ils en ont envie. »
Il regarda Knight avec insistance.
Knight ne mordit pas l’hameçon.
Stewart n’insista pas davantage. « Je vais m’essayer au nettoyage, maintenant. On est obligé d’enfoncer l’instrument sous la gencive pour décrocher le tartre. On se sert d’une sorte de crochet. Je ne vois vraiment pas pourquoi on ne s’occupe pas soi-même de ses dents, au lieu de payer des dentistes.
— Cela n’a pas trop l’air difficile, reconnut Knight.
***
Tom Swift T01: Tom Swift et son laboratoire volant (1954)
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Tom Swift Jr. 1 : And His Flying Lab (1954)
Notez que l’édition actuelle américaine est fortement altérée par rapport à l’original.
Traduction du titre : Tom Leste et son laboratoire volant.
Sorti aux USA en 1954 chez Grosset & Dunlap.
Traduit en français au premier trimestre 1960 chez la Librairie Charpentier, Paris, collection Lecture et Loisir.
De Victor Appleton II (pseudonyme collectif), en réalité de William M. Dougherty.
(presse) Tom Swift Sr. (le père) est désormais le PDG de Swift Enterprises, un centre de recherche de quatre miles carrés où les inventions sont conçues et fabriquées. Son fils, Tom Swift Jr, est désormais le principal génie inventif de la famille et se consacre au domaine spatial, ce qui l’amènera à contacter des extraterrestres amicaux.
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Il s’agit de la seconde série Tom Swift, la première série étant consacré à des inventions terrestres du père du héros de la seconde série. L’éditeur américain est le même que pour les Frère Hardy aka The Hardy Boys et Alice Détective aka Nancy Drew. Le patron lancera la série en insistant sur l’aspect scientifique authentique des aventures, ayant embauché trois experts diplômés pour le vérifier.
L’action est menée tambour battant, avec zéro romance, zéro débat sexuel, zéro prise de tête qui s’étale, zéro débat politique et un humour limité, l’auteur et sa maison d’édition cherchant avant tout à motiver les vocations scientifiques du lecteur — à l’exact l’opposé de la série télévisée de 2022.
Il s’agit bien d’aventure grand teint du 19ème et d’avant la seconde guerre mondiale, repeint à la sauce cadet de l’Espace (une autre série pour la jeunesse des années 1950 inspirées des récits les plus accessibles des magazines de science-fiction type Amazing / Astounding / Startling etc. Notez que la première série Tom Swift est dans le domaine public, mais que seulement deux des romans de la seconde série (sur 33) sont également tombés dans le domaine public et se trouvent en ligne par exemple sur Gutenberg.org.
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Le texte original de William M. Dougherty sous le pseudonyme collectif Victor Appleton II.
CHAPTER I
A MESSAGE FROM SPACE
“HOW SOON will the Flying Lab be ready for the test hop, Tom ?”
“In about two weeks, Dad. I can hardly wait to take her up.”
Mr. Swift looked admiringly at the eighteen-year old inventor. Tom Jr. resembled his father and had the same deep-set eyes, but he was slightly taller and more slender. The youth and his distinguished parent, both widely known for their scientific achievements, were headed for their experimental station, Swift Enterprises. There the Flying Lab had been build in a mammoth underground hangar.
“The atomic-powered engines should give us a speed of better than a thousand miles an hour, and the jet lifters —“
Tom was cut short by an uncanny whistling roar. An object hurtling from the sky just missed them, its turbulent backwash sprawling them on the ground, as it disappeared over the wall of Swift Enterprises. A split second later there was a tremendous thud and the earth shoot.
“A bomb!” Tom shouted, jumping up.
“Or a meteor!” his father exclaimed.
By now both were running at top speed toward the private entrance to Swift Enterprises. Tom whipped an electronic key from his pocket and beamed it on the hidden mechanism. The gate flew open.
Inside the grounds there was pandemonium. Workers were racing from the cluster of buildings toward a gaping hole at the end of the airfield. Tom quickly outdistanced his father and was one of the first to reach the spot. In the earth yawned an immense crater.
“Gosh!” cried a workman. « You could fit a firehouse into that hole ! »
The object that had bolted from the sky was buried too deeply to be seen, and the dirt at the edges of the pit had begun to cave in.
“What is it?” asked Hank Sterling, the chief engineer of the patternmaking division.
Tom shook his head. “I guess we’ll have to dig around it to find out. Was anybody hurt?”
“I believe not.”
Fortunately no one had been near the immediate area. Glass in several of the buildings had been broken, however, and various small articles jolted from shelves and desks.
By this time Mr Swift had come up, and he immediately ordered a crew to start digging. Tom and Hank were so eager to learn what the object was that they brought out the bid hydraulic shovel.
An hour later all the earth had been cleared from around the missile, and a ladder was lowered into the pit. Tom hastened down.
“It’s not a natural meteor, ‘ he decided, as he examined the strange carvings on the side of the black cigar-shaped device. “It is mechanically made and only beings of high intelligence could have worked out those mathematical symbols”.
***
Traduction au plus proche
CHAPITRE I
UN MESSAGE DE L'ESPACE
« Dans combien de temps le laboratoire volant sera-t-il prêt pour le vol d'essai, Tom ?
— Dans environ deux semaines, papa. J'ai hâte de le faire décoller. »
M. Swift regardait avec admiration l'inventeur de dix-huit ans. Tom Jr. ressemblait à son père et avait les mêmes yeux enfoncés dans leurs orbites, mais il était légèrement plus grand et plus élancé. Le jeune homme et son éminent parent, tous deux largement connus pour leurs réalisations scientifiques, se dirigeaient vers leur station expérimentale, les Entreprises Swift. Là-bas, le laboratoire volant avait été construit dans un gigantesque hangar souterrain.
« Les moteurs à énergie atomique devraient nous permettre d'atteindre une vitesse de plus de 1600 kilomètres à l'heure, et les propulseurs à réaction... »
Tom fut interrompu par un étrange sifflement. Un objet projeté du ciel les manqua de peu, sa traine turbulente les projeta au sol, tandis qu'il disparaissait au-dessus du mur des Entreprises Swift. Une fraction de seconde plus tard, il y eut un énorme bruit sourd et la terre vacilla.
« Une bombe ! cria Tom, en se levant d'un bond.
— Ou un météore ! » s'exclama son père.
A présent, les deux couraient à toute vitesse vers l'entrée privée des Entreprises Swift. Tom sortit une clé électronique de sa poche et la braqua sur le mécanisme caché. Le portail coulissa instantanément.
A l'intérieur du périmètre, c'était le chaos total. Les ouvriers se précipitaient de l'ensemble des bâtiments vers un trou béant au bout de l'aérodrome. Tom distança rapidement son père et fut l'un des premiers à atteindre l'endroit. Dans le sol béait un immense cratère.
« Mon Dieu ! s'écria un ouvrier : On pourrait faire entrer une caserne de pompiers dans ce trou ! »
L'objet qui avait jailli du ciel était enfoui trop profondément pour être visible, et la terre sur les bords de la fosse avait commencé à s'affaisser.
« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Hank Sterling, l'ingénieur en chef de la division de fabrication des pièces des prototypes.
Tom secoua la tête :« Je suppose que nous allons avoir à creuser autour pour le découvrir. Quelqu'un a-t-il été blessé ?
— Je ne crois pas. »
Heureusement, personne ne s’était trouvé dans les environs immédiats. Les vitres de plusieurs bâtiments avaient été brisées, cependant, et divers petits objets avaient été projetées au bas des étagères et des tables de travail.
Entre-temps, M. Swift était arrivé, et immédiatement il ordonna à une équipe de commencer à creuser. Tom et Hank étaient si impatients de savoir quel était l'objet à découvrir qu'ils étaient allés chercher la pelle hydraulique.
Une heure plus tard, toute la terre avait été dégagée autour du missile, et une échelle avait été descendue dans la fosse. Tom se hâta de descendre.
« Ce n'est pas un météore naturel, il décréta en examinant les étranges inscriptions sur le côté de l'engin noir en forme de cigare. Il a été fabriqué mécaniquement et seuls des êtres d'une grande intelligence auraient pu élaborer ces symboles mathématiques. »
***
La traduction française anonyme de 1960 pour la Librairie Charpentier.
CHAPITRE PREMIER
UN MESSAGE DE L'ESPACE
Le Laboratoire Volant va être bientôt prêt pour le vol d’essai, Tom ?
— Dans deux semaines, à peu près, papa. Je trépigne d’impatience !
— Mr. Swift jeta un regard d’admiration au jeune inventeur de dix-huit ans. Tom ressemblait à son père dont il avait les yeux enfoncés, mais il était un peu plus grand et plus mince. Tous deux étaient fort connus pour leurs réussites scientifiques et ils se dirigeaient ce jour-là vers leur centre d’expérimentation, Swift Enterprises.
— Les moteurs atomiques devraient nous donner une vitesse supérieure à 1 500 kmh et les réacteurs…
Tom fut interrompu par un rugissement strident d’une violence affolante. Un objet venu du ciel passa en trombe si près d’eux que les remous de l’air qu’il déplaçait renversèrent les deux hommes sur le sol au moment où il disparaissait derrière le mur de Swift Enterprises. Moins d’une seconde après, un choc terrible ébranlait le sol.
— Une bombe ! hurla Tom en se relevant d’un bond.
— Ou une météorite ! s’exclama son père.
Tous deux se précipitèrent vers l’entrée particulière de leur station ; Tom sortit de sa poche une clef électronique dont il dirigea le faisceau sur un mécanisme caché et la porte s’ouvrit aussitôt.
A l’intérieur de l’enceinte, la confusion et le tumulte faisait rage. Des ouvriers sortaient en courant des bâtiments pour se rassembler autour d’un trou béant à l’extrémité du terrain d’aviation. Tom ne tarda pas à distancer son père et parvint sur les lieux dans les premiers. Un immense cratère s’ouvrait dans le sol.
— Ah, dites donc ! s’exclama un ouvrier. On pourrait faire tenir une caserne de pompiers, là-dedans !
L’objet tombé du ciel était trop profondément enfoui pour qu’on pût le voir et la terre sur les bords de l’entonnoir commençait déjà à s’ébouler.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Hank Sterling, ingénieur en chef de la section des plans.
Tom secoua la tête.
— il va falloir déblayer autour pour se rendre compte. Personne n’a été touché ?
— Crois pas.
Heureusement, aucun ouvrier ne s’était trouvé près du point de chute, mais les vitres de plusieurs bâtiments étaient brisées et de petits objets avaient été projetés hors des rayonnages et des bureaux.
Pendant ce temps, Mr. Swift était arrivé lui aussi et il ordonna aussitôt de commencer à creuser. Tom et Hank étaient si impatients de savoir ce qu’était le mystérieux projectile, qu’ils firent amener la grosse pelle hydraulique.
Une heure plus tard, toute la terre avait été déblayée autour de l’objet et une échelle descendue dans la fosse. Tom s’y précipita le premier.
— Pas une météorite naturelle, décida-t-il en examinant les figures étranges gravées sur le côté de l’engin noir en forme de cigare ; Il n’y a que des êtres d’une intelligence supérieure qui ont pu le fabriquer et trouver ces symboles mathématiques.
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Tendrement par degrés, la nouvelle de 1954
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Fondly Fahrenheit (1954)
Publié pour la première fois aux USA dans The Magazine of Fantasy and Science Fiction, d’août 1954 ;
Traduit en français pour le numéro 24 de la revue Fiction de novembre 1955,
Repris dans la Grande Anthologie de la Science-fiction : Histoire de Robots le 16 avril 1974 chez Le Livre de poche ;
Réédité le 11 juin 1974, le 26 février 1975, puis en 1976 et en 1978 ; réédité en février 1985, puis en octobre 1993.
Réédition partielle en 1996.
De Alfred Bester.
Pour adultes et adolescents
Vandaleur est en cavale et fuit de planète en planète. Ce riche propriétaire a tout quitté, tout, sauf son androïde, son bien le plus précieux, et surtout son gagne-pain car Vandaleur n’a jamais travaillé de sa vie…
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Notez que vous pouvez lire en ligne et télécharger gratuitement le numéro entier du Magazine of Fantasy and Science-fiction d’août 1954.
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Si vous ne devez acheter qu’un seul volume de la Grande Anthologie de la Science-fiction, choisissez Histoires de Robots, la première ou la seconde édition, pas la version allégée sortie plus tard. Parmi plusieurs nouvelles simplement magistrales et très inspirantes, Fondly Fahrenheit d’Alfred Bester est un sommet absolu de la Science-fiction, du polar et de pure épouvante, basé sur un phénomène bien réel absolument glaçant. Malheureusement, le titre français est un gros spoiler, vous me permettrez donc de ne pas le citer et de vous laisser découvrir sous la traduction exacte du titre original, les deux premières scènes. La nouvelle a été adaptée en théâtre radiophonique, disponible en ligne, mais j’ignore la fidélité de l’adaptation, ainsi qu’en « théâtre télévisé », paraît-il réussi, mais je n’ai pu juger sur pièce à cette heure. Ici : le .mp3 de adaptation en théâtre radiophonique de 1976 (CBS Radio Mystery Theater #0484 – The Walking Dead, adapté par A. Bester)
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Le texte original de Alfred Bester.
FONDLY FAHRENHEIT
He doesn’t know which of us I am these days, but they know one truth. You must own nothing but yourself. You must make your own life, live your own life and die your own death...or else you will die another’s.
The rice fields on Paragon III stretch for hundreds of miles like checkerboard tundras, a blue and brown mosaic under a burning sky of orange. In the evening, clouds whip like smoke, and the paddies rustle and murmur.
A long line of men marched across the paddies the evening we escaped from Paragon III. They were silent, armed, intent; a long rank of silhouetted statues looming against the smoking sky. Each man carried a gun. Each man wore a walkie-talkie belt pack, the speaker button in his ear, the microphone bug clipped to his throat, the glowing view-screen strapped to his wrist like a green-eyed watch. The multitude of screens showed nothing but a multitude of individual paths through the paddies. The annunciators made no sound but the rustle and splash of steps. The men spoke infrequently, in heavy grunts, all speaking to all.
"Nothing here. — Where’s here? — Jenson’s fields. — You’re drifting too far west. — Close in the line there. — Anybody covered the Grimson paddy? — Yeah. Nothing. — She couldn’t have walked this far. — Could have been carried. — Think she’s alive? — Why should she be dead?"
The slow refrain swept up and down the long line of beaters advancing toward the smoky sunset. The line of beaters wavered like a writhing snake, but never ceased its remorseless advance. One hundred men spaced fifty feet apart. Five thousand feet of ominous search. One mile of angry determination stretching from east to west across a compass of heat. Evening fell. Each man lit his search lamp. The writhing snake was transformed into a necklace of wavering diamonds.
"Clear here. Nothing. — Nothing here. — Nothing. — What about the Allen paddies? — Covering them now. — Think we missed her? — Maybe. — We’ll beat back and check. — This’ll be an all-night job. — Allen paddies clear. — God damn! We’ve got to find her! — We’ll find her. — Here she is. Sector seven. Tune in."
The line stopped. The diamonds froze in the heat. There was silence. Each man gazed into the glowing green screen on his wrist, tuning to sector seven. All tuned to one. All showed a small nude figure awash in the muddy water of a paddy. Alongside the figure an owner’s stake of bronze read: VANDALEUR. The ends of the line converged toward the Vandaleur field. The necklace turned into a cluster of stars. One hundred men gathered around a small nude body, a child dead in a rice paddy. There was no water in her mouth. There were fingermarks on her throat. Her innocent face was battered. Her body was torn. Clotted blood on her skin was crusted and hard.
"Dead three-four hours at least. — Her mouth is dry. — She wasn’t drowned. Beaten to death.”
In the dark evening heat the men swore softly. They picked up the body. One stopped the others and pointed to the child’s fingernails. She had fought her murderer. Under the nails were particles of flesh and bright drops of scarlet blood, still liquid, still uncoagulated.
"That blood ought to be clotted too. — Funny. — Not so funny. What kind of blood don’t clot? — Android. — Looks like she was killed by one. — Vandaleur owns an android. — She couldn’t be killed by an android. — That’s android blood under her nails. — The police better check. — The police’ll prove I’m right. — But androids can’t kill. — That’s android blood, ain’t it? — Androids can’t kill. They’re made that way. — Looks like one android was made wrong. — Jesus!"
And the thermometer that day registered 92.9° gloriously Fahrenheit.
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Traduction au plus proche
TENDREMENT PAR DEGRÉS
Il ne sait pas lequel d'entre nous je suis ces jours-ci, mais ils savent une vérité. Il ne faut rien devoir sinon à vous-même. Il faut gagner sa propre vie, vivre sa propre vie et mourir de sa propre mort... ou bien on mourra de la mort d'un autre.
Les rizières de Paragon III s'étendent sur des centaines de kilomètres comme des toundras en damier, une mosaïque bleue et brune sous un ciel orange brûlant. Le soir, les nuages se tordent comme de la fumée, et les rizières bruissent et murmurent.
Une longue ligne d'hommes traversa les rizières le soir où nous nous échappâmes de Paragon III. Ils étaient silencieux, armés, déterminés ; un long rang de silhouettes découpées, se détachant contre le ciel fumant. Chaque homme portait une arme. Chaque homme portait un talkie-walkie à la ceinture, le haut-parleur bouton dans l'oreille, le micro fixé à la gorge, l'écran lumineux sanglé au poignet comme une montre aux yeux verts. La multitude d'écrans ne montrait rien d'autre qu'une multitude de trajectoires individuels à travers les rizières. Les volontaires ne faisaient aucun son, si ce n'est le bruissement de leur passage et les éclaboussures de leurs pas. Les hommes parlaient peu, avec des grosses voix, tous parlant à tous.
« Rien ici. — Où c’est, ici ? — Les champs de Jenson. — Vous vous déportez trop vers l'ouest. — Près de la ligne, là. — Quelqu'un a couvert la rizière de Grimson ? — Oui. Rien. — Elle n'a pas pu marcher aussi loin. — Elle a pu être portée. — Tu crois qu'elle est vivante ? — Pourquoi serait-elle morte ?"
Le lent refrain balayait dans un sens puis dans l’autre la longue file des marcheurs avançant vers le coucher de soleil enfumé. La ligne de marcheurs ondulait comme un serpent qui se tortille, mais ne cessait jamais son avance sans remords. Cent hommes espacés de quinze mètres. Mille cinq cent mètres de recherche sinistre. Mille cinq cent mètres de détermination furieuse s'étendant d'est en ouest à travers une boussole de chaleur. Le soir tombait. Chaque homme alluma sa lampe de recherche. Le serpent se transforma en un collier de diamants ondulants.
"Rien à signaler ici. Rien. — Rien ici. - Rien. — Et les rizières d'Allen ? — On les recouvre maintenant. - Tu crois qu'on l'a manquée ? — Peut-être. - On va revenir et vérifier. —- On va y passer la nuit. — Les rizières d'Allen sont dégagées. - Bon sang ! Il faut qu'on la trouve ! — On va la trouver. - Elle est là. Secteur sept. Branchez-vous."
La ligne s'est arrêtée. Les diamants ont gelé dans la chaleur. Le silence s'est installé. Chaque homme a regardé l'écran vert lumineux à son poignet, se syntonisant sur le secteur sept. Tous se sont branchés sur le secteur 1. Tous montraient une petite silhouette nue baignant dans l'eau boueuse d'une rizière. A côté de la figure, un piquet de bronze indique le propriétaire : VANDALEUR. Les extrémités de la ligne convergeaient vers le champ Vandaleur. Le collier se transforma en une grappe d'étoiles. Cent hommes se sont rassemblés autour d'un petit corps nu, un enfant mort dans une rizière. Il n'y avait pas d'eau dans sa bouche. Il y avait des marques de doigts sur sa gorge. Son visage innocent était meurtri. Son corps était déchiré. Le sang coagulé sur sa peau était incrusté et dur.
"Morte depuis au moins trois ou quatre heures. - Sa bouche est sèche. - Elle n'a pas été noyée. Battue à mort."
Dans la chaleur sombre du soir, les hommes ont juré doucement. Ils ont ramassé le corps. L'un d'eux a arrêté les autres et a montré les ongles de l'enfant. Elle s'était battue contre son meurtrier. Sous les ongles, il y avait des particules de chair et des gouttes de sang écarlate, encore liquide, non coagulé.
"Ce sang devrait aussi être coagulé. — Drôle. — Pas si drôle. Quel genre de sang ne coagule pas ? — Un androïde. — On dirait qu'elle a été tuée par un. — Vandaleur possède un androïde. — Elle n'a pas pu être tuée par un androïde. — C'est du sang d'androïde sous ses ongles. — La police devrait vérifier. — La police prouvera que j'ai raison. — Mais les androïdes ne peuvent pas tuer. — C'est du sang d'androïde, n'est-ce pas ? — Les androïdes ne peuvent pas tuer. Ils sont faits comme ça. — On dirait qu'un androïde a été mal fait. — Jésus !"
Et le thermomètre affichait ce jour-là 92,9° glorieux Fahrenheit.
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La traduction anonyme de 1972 pour Opta et Le Livre de Poche
(LE TITRE FRANÇAIS EST UN SPOILER)
MAINTENANT il ne sait pas qui de nous deux je suis réellement : moi ou lui. Mais lui ou moi savons une chose. Nous savons qu’on ne peut être à la fois deux personnes. Il faut vivre sa propre vie — ou bien en vivre une étrangère.
Il y avait les rizières s’étirant à perte de vue ; sur Paragon III, le soir où nous nous en sommes enfuis. Mosaïques en damiers bleue et brune, pendant le jour, sous le feu du ciel orange. Avec le soir, les nuages précipitent leurs fumées, le vent se lève, le riz dans sa balle bruit et murmure.
Le vent du soir soufflait sur Paragon III, à l’heure de notre fuite, et les nuages défaisaient leurs fumées dans le ciel. Et quelque part au milieu des rizières bruissantes, parmi le murmure du riz dans sa balle, marchaient des hommes en ligne, debout contre l’horizon jaune…
La vaste rangée d’hommes avançait lentement entre les sillons des rizières. Silencieux, aux aguets, en armes. Un chapelet de silhouettes grises profilées comme des statues sur le ciel fumeux. Chacun tenait son arme à la main. Chacun portait à sa ceinture un émetteur-récepteur, l’écouteur fixé à l’oreille, le micro pendu au cou, et un télécran portatif assujetti au poignet, telle une grosse montre lumineuse verte. Les multiples images des télécrans en enfilades ne révélaient rien d’autre que les multiples sillons parallèles. Les amplificateurs ne retransmettaient que les clapotements produits par les pas simultanés. Les hommes parlaient à de rares intervalles, d’une voix lourde, chacun s’adressant à tous les autres.
« Rien par ici.
— Par ici où ?
— Le champ de Jenson.
— Trop dévié vers l’ouest.
— Serrez par là.
— Vu la limite du champ de Grimson ?
— Oui. Rien.
— Elle n’aurait pas pu s’écarter autant.
— Elle pouvait être transportée.
— Vous pensez qu’elle est vivante ?
— Pourquoi serait-elle morte ? »
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