L'Homme de la planète X, le film de 1951
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The Man from Planet X (1951)
Traduction du titre original : l'homme venu de la planète X.
Sorti aux USA le 27 avril 1951.
Annoncé en blu-ray américain pour le 11 juillet 2017 (format respecté, noir et blanc, probablement région A et anglais seulement.
De Edgar G. Ulmer ; sur un scénario de Aubrey Wisberg et Jack Pollexfen, également producteurs ; avec Robert Clarke, Margaret Field, Raymond Bond, William Schallert, Roy Engel, David Ormont, Gilbert Fallman, Tom Daly, June Jeffery.
Le bord de mer de jour, paisible, verdoyant, les oiseaux chantent. La lande de nuit, morte, nimbée de brume, le vent qui hurle, un château en ruine au loin où brille une fenêtre.
Un homme en tenue d’aviateur fait les cent pas dans la pénombre d’une vaste pièce où un télescope est installé. John Lawrence ne sait pas si Enid Eliott est morte ou vivante – cela fait 24 heures qu’il n’a plus de nouvelles. Il est à peu près certain en revanche du sort du père de la jeune femme, le professeur Eliott, probablement mort – et les chances que John meure aussi avant le lever du soleil sont fortes. Mais cette nuit, il se battra pour sa vie, étant donné le grand péril qui menace l’Humanité entière. L’homme s’assied à une table, sur laquelle se trouve de quoi écrire. S’il échoue, ce qui est le plus probable, les conséquences pour l’Humanité défient l’imagination : en tant que seul journaliste professionnel ayant observé la Terreur depuis son point de départ, et en tant que seul être humain encore en vie à l’avoir confrontée : l’Homme venu de la Planète X – il va essayer d’écrire l’histoire la plus étrange qu’un être humain n’ait jamais rapportée…
L’histoire a commencé très ordinairement dans un observatoire universitaire non loin de Los Angeles. John Lawrence, petite moustache, costume cravate élégant, retire son œil de l’oculaire et demande au professeur Blane, un vieil astronome ce qu’il vient de voir. Blane répond qu’il s’agit d’une nouvelle planète. Faute d’un autre nom, ils l’identifieront par la lettre X. Blane explique que la planète X a été découverte il y a quelques semaines, se précipitant à travers l’Espace. Ils redescendent à l’étage inférieur et John demande si c’est pour cela que le professeur Eliott lui a demandé de contacter l’astronome.
Blane demande à John s’il connait Eliott depuis longtemps. John confirme : de la Royal Airforce – Eliott était le météorologue chargé d’assister les raids des bombardiers. Ils sont vite devenus amis, et lui promis de le prévenir s’il entendait parler de quoi que ce soit de vraiment important. Il ne plaisantait pas. L’astronome confirme. Dans la chambre noire, Blane développe ses clichés, tandis que John lui demande ce qui se passe. Le vieil homme répond que le monde entier expérimente désormais un phénomène étrange : venant de tous les côtés, des objets inexpliqués tombent du ciel.
John est incrédule : un scientifique tel que Blane ne croit tout de même pas à une telle ineptie. Blane répond au journaliste qu’il ne croit rien, et John demande alors pourquoi il affirme des choses pareilles. Blane répond qu’il se base sur des rapports indiscutables émanant d’observateurs professionnels. Au départ, ces phénomènes semblaient répartis de manière aléatoire, mais il y a six semaines, une concentration spectaculaire s’est produite au-dessus d’une région de la Terre, particulièrement isolée et déserte. John demande au vieil homme s’il parle de Burry, et Blane lui demande ce qu’il sait de Burry. John répond qu’il ne sait rien en particulier, mais que le télégramme (câble-gramme) du professeur Eliott disant de venir trouver Blane venait de là.
Blane reprend : des ondes étranges – pas celles d’un radar – rebondissent contre la Terre. John demande si ces ondes proviennent bien d’un lieu extérieur à la Terre, par exemple la Lune ou Mars. Blane confirme que les ondes proviennent d’une sphère extérieure. – mais pas de la Lune ou de Mars, ou d’aucune planète connue. John demande alors qu’en est-il de la planète X, et pourquoi se précipiterait-elle vers la Terre. Va-t-elle entrer en collision avec la Terre ? Blane répond que non, du moins pas de plein fouet. John demande alors si cela n’est pas déjà arrivé auparavant, par exemple avec la comète de Haley. Blane répond qu’aucun astre ne s’est approché d’aussi près de la Terre que la planète X d’ici trois semaines, si leurs calculs sont corrects.
John demande alors ce qu’il arrivera, et Blane répond qu’il aimerait le savoir. Dans le meilleur des cas, il y aura des perturbations atmosphériques – probablement des tsunamis. John demande alors ce qu’il arrivera dans le pire des cas – et là, Blane ne répond rien. John reprend son interrogatoire : et que vient faire le professeur Eliott dans cette histoire ? Blane répond que c’est Eliott qui a découvert la planète X. Et que fait Eliott à Burry ? Burry est le point de la Terre qui sera le plus proche de la planète X. John demande alors comment on se rend à Burry…
Plus tard, John débarque dans un village de pêcheur à Burry. C’est Enid, la fille du professeur Eliott qui vient le chercher en décapotable. Ils roulent alors depuis le quai jusque dans le brouillard… à vive allure et en devisant joyeusement.
Alors que la nuit tombe, ils arrivent dans la cour du château vieux de plusieurs siècles dans lequel le professeur Eliott a élu domicile. D’après la légende, il s’agissait de fortifications contre les raids viking.
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Fahrenheit 451, le roman de 1951
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Ici la page Amazon.fr de Fahrenheit 451
Fahrenheit 451 (1951)
Traduction du titre original : Celsius 233.
Autre titre : The Fireman (L'homme du feu).
Sorti aux USA de la nouvelle originale en février 1951 dans le magazine GALAXY SCIENCE FICTION
Sorti aux USA en 1953 chez BALLANTINE BOOKS US.
Sorti en France en 1955 chez DENOEL FR (traduction Henri Robillot)
Sorti en France en septembre 1995 chez DENOEL FR (traduction de Henri Robillot et Jacques Chambon)
De Ray Bradbury.
Résumé à venir.
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(traduction au plus proche)
PARTIE UN: C'ETAIT UN PLAISIR DE BRÛLER.
C'était un plaisir spécial de voir des choses dévorées, de voir des choses noircir et changer. Avec l'embout de cuivre dans ses poings, avec ce grand python crachant son venimeux kérosène à la face du monde, le sang battait dans ses tempes, et ses mains étaient les mains de quelque étonnant chef d'orchestre jouant toutes les symphonies d'embrasement et d'incinération pour abattre les lambeaux et tisons du passé. Avec son casque-symbole numéroté 451 sur sa tête solide, et avec ses yeux tout feu tout flamme à l'idée de ce qui arrivait après, il fit jouer l'allumage et la maison sauta en l'air, dégorgeant d'un feu qui incendia le ciel du soir en rouge, jaune et noir...
***
(texte original)
PART ONE: IT WAS A PLEASURE TO BURN
It was a special pleasure to see things eaten, to see things blackened and changed. With the brass nozzle in his fists, with this great python spitting its venomous kerosene upon the world, the blood pounded in his head, and his hands were the hands of some amazing conductor playing all the symphonies of blazing and burning to bring down the tatters and charcoal ruins of history. With his symbolic helmet numbered 451 on his stolid head, and his eyes all orange flame with the thought of what came next, he flicked the igniter and the house jumped up in a gorging fire that burned the evening sky red and yellow and black. He strode in a swarm of fireflies. He wanted above all, like the old joke, to shove a marshmallow on a stick in the furnace, while the flapping pigeon-winged books died on the porch and lawn of the house. While the books went up in sparkling whirls and blew away on a wind turned dark with burning.
Montag grinned the fierce grin of all men singed and driven back by flame.
He knew that when he returned to the firehouse, he might wink at himself, a minstrel man, burnt-corked, in the mirror. Later, going to sleep, he would feel the fiery smile still gripped by his face muscles, in the dark. It never went away, that smile, it never ever went away, as long as he remembered.
***
(Traduction de Henri Robillot et Jacques Chambon, 1995)
PREMIERE PARTIE
Le foyer et la salamandre
Le plaisir d'incendier!
Quel plaisir extraordinaire c'était de voir les choses se faire dévorer, de les voir noircir et se transformer.
Les poings serrés sur l'embout de cuivre, armé de ce python géant qui crachait son venin de pétrole sur le monde, il sentait le sang battre à ses tempes, et ses mains devenaient celles d'un prodigieux chef d'orchestre dirigeant toutes les symphonies en feu majeur pour abattre les guenilles et les ruines carbonisées de l'Histoire.
Son casque symbolique numéroté 451 sur sa tête massive, une flamme orange dans les yeux à la pensée de ce qui allait se produire, il actionna l'igniteur d'une chiquenaude et la maison décolla dans un feu vorace qui embrasa le ciel du soir de rouge, de jaune et de noir.
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(traduction au plus proche de la nouvelle The Fireman)
L'HOMME DU FEU
Feu, feu, brûlez les livres
Les quatre hommes étaient assis silencieusement à jouer au Black Jack sous une verrière dans le matin-nuit. Seule une voix chuchotait du plafond : "Une trente-cinq du matin... Mardi matin, le 4 octobre, 2052, après J.C ... Une quarante du matin... Une cinquante..."
M. Montag se tenait raide parmi les autres hommes du feu dans la maison du feu, entendit l'horloge parlante faire le deuil des heures mortes et de l'année morte, et il frissonna. Les trois autres levèrent les yeux.
"Qu'est-ce qui cloche, Montag ?"
***
(texte original de la nouvelle The Fireman)
THE FIREMAN
Fire, Fire, Burn Books
The four men sat silently playing blackjack under a green drop-light in the dark morning. Only a voice whispered from the ceiling: "One thirty-five a.m. ... Thursday morning, October 4th, 2052, A.D. ... One 'forty a.m. ... one fifty... "
Mr. Montag sat stiffly among the other firemen in the fire house, heard the voice-clock mourn out the cold hour and the cold year, and shivered. The other three glanced up.
"What's wrong, Montag?"
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Dans le torrent des siècles, le roman de 1950
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Time & Again (1950)
Sorti sous au moins trois titres différents anglais et deux titres français.
Ne pas confondre avec le roman de 1970 de Jack Finney, la nouvelle de 1977 de Breece D'J Pancake, l’épisode Star Trek Voyager S01E04 de 1995, le film américain de 2007, le film de 2019.
Sorti sous le titre Time Quarry, (la carrière du Temps) de octobre à décembre 1950 dans le magazine Galaxy Science-fiction US.
Traduit anonymement en français en novembre 1953 à mars 1954 sous le titre Dans le torrent des siècles dans le magazine français Galaxie.
Réédité en 1962 sous le titre De temps à autres par A. Yeurre (je suppose un pseudonyme pour éviter de mentionner que la traduction est anonyme) pour Hachette / Le Rayon Fantastique.
Retraduit en français par Georges H. Gallet en 1973 pour J’ai Lu (poche), réédité en 1975 et 1984 ; réédité en août 1990 et mars 1993 chez J’ai Lu ; réédité en novembre 2000 chez J’ai Lu.
Compilé dans Les Mines du Temps (en anglais The Time Quarries) en février 2004 chez Omnibus.
De Clifford Simak.
Pour adultes et adolescents.
(Space Opera, voyage dans le temps, presse) Alors que les humains contrôlent la galaxie grâce aux androïdes, Asher Sutton, un explorateur de l'espace, est parti en mission de reconnaissance sur un monde extraterrestre que personne n'a pu jusqu'alors approcher. Vingt années ont passé, plus personne sur Terre n'attend son retour. Un inconnu, prétendant venir du futur, informe le chef de la sûreté qu'un certain Asher Sutton sera de retour sur Terre tel jour et qu'il faudra absolument le tuer.
*
Le texte original de Clifford Simak pour le magazine Galaxy Science-fiction d’octobre 1950.
One life should be enough to give for humanity… but humanity wanted Asher Sutton to keep making the sacrifice indefinitely!
THE man came out of the twilight when the greenish-yellow of the sun’s last glow still lingered in the west. He paused at the edge of the patio and called.
« Mr. Adams, is that you? »
The chair creaked as Christopher adams shifted his weight, startled by the voice. Then he remembered. A new neighbor had moved in across the meadow a day or two ago. Jonathon had told him . . . and Jonathon knew all the gossip within a hundred miles. Human gossip as well as android and robot gossip.
“Come on in,” said Adams. “Glad you dropped around.”
He hoped his voice sounded as hearty and neighborly as he had try to make it. For he wasn’t glad. He was a little nettled, upset by this sudden shadow that came out of the twilight and walked across the patio.
This is my hour, he thought angrily. The one hour I give myself. The hour that I forget . . . forget the thousand problems that have to do with other star systems. Forget them and turn back to the green-blackness and the hush and the subtle sunset shadow-show that belong to my own-planet. For here on this patio, there are no mentophone reports, no robot files, no galactic co-ordination conferences . . . no psychological intrigue, no alien reaction charts. Nothing complicated or mysterious.
With half his mind, he knew the stranger had come across the patio and was reaching out a hand for a chair to sit in; and with the other half, once again, he wondered about the blackened bodies lying on the river bank on far-off Aldebaran XII and the twisted machine that was wrapped around the tree.
Three humans had died here . . . three humans and two androids, and androids were almost human, different only in that they were manufactured instead of born. And humans must not die by violence unless it be by the violence of another human. Even then it must be on the field of honor, with all the formality and technicality of the code duello, or in the less polished affairs of revenge or execution.
*
La traduction au plus proche.
Une seule vie devrait suffire pour l'humanité... mais l'humanité voulait qu'Asher Sutton continue à se sacrifier indéfiniment !
L'homme sortit du crépuscule alors que le jaune verdâtre de la dernière lueur du soleil s'attardait encore à l'ouest. Il s'arrêta au bord du patio et appela.
« M. Adams, c'est vous ? »
La chaise grince tandis que Christopher Adams se déplace, surpris par la voix. Puis il se souvint. Un nouveau voisin avait emménagé de l'autre côté de la prairie il y a un jour ou deux. Jonathon le lui avait dit... et Jonathon connaissait tous les potins dans un rayon de cent miles. Les ragots humains, mais aussi ceux des androïdes et des robots.
"Entrez", dit Adams. "Content que vous soyez passé dans le coin".
Il espérait que sa voix était aussi chaleureuse et voisine qu'il avait essayé de le faire. Car il n'était pas content. Il était un peu déconcerté, dérangé par cette ombre soudaine qui sortait du crépuscule et traversait son patio.
C'est mon heure, il pensa avec colère. L'heure que je m'accorde. L'heure où j'oublie... ... j’oublie les milliers de problèmes qui concernent les autres systèmes stellaires. Je les oublie et m’en retourne à l’obscurité verte, au silence, et aux subtils jeux d'ombres du coucher de soleil qui appartiennent à ma planète à moi. Car ici, sur ce patio, il n'y a pas de rapports mentophoniques, pas de dossiers robotisés, pas de conférences de coordination galactique. Il n'y a pas d'intrigues psychologiques, pas de diagrammes de réactions extraterrestres. Rien de compliqué ou de mystérieux.
Avec la moitié de son esprit, il savait que l'étranger avait traversé le patio et tendait la main pour s'asseoir sur une chaise ; et avec l'autre moitié, une fois de plus, il s'interrogeait sur les corps noircis qui gisaient sur la rive d’un fleuve sur la lointaine Aldebaran XII, et sur la machine tordue qui s'enroulait autour de l'arbre.
Trois humains étaient morts là-bas. Trois humains et deux androïdes, et les androïdes étaient presque humains, différents seulement en ce qu'ils étaient fabriqués au lieu d'être nés. Et les humains ne doivent pas mourir par la violence, à moins que ce ne soit par la violence d'un autre humain. Et même dans ce cas, ce doit être sur le champ d'honneur, avec tout le formel et la procédure du codex duello*, (NDT : je corrige la citation en latin médiéval, traduction : le code dans l’intérêt du duel) ou dans les affaires moins polies de la vengeance ou de l'exécution.
*
La traduction anonyme de novembre 1953 pour le magazine français Galaxie.
On était au crépuscule. Les dernières lueurs du soleil, disparru à l’ouest, étaient encore orangées. Et alors, apparut la silhouette humaine. Elle s’arrêta à l’entrée de la cour dallée, appela :
— Monsieur Adams… vous êtes là ?
Le fauteuil gémit sous le poids de Christopher Adams avant qu’il ne se levât brusquement. Il avait tressailli. Puis il se souvint. Jonathan lui avait parlé de l’inconnu, installé depuis peu dans le secteur qui s’étendait au-delà des vastes pelouses. Ce Jonathan était au courant de tout, il connaissait les cancans à cent milles à la ronde, aussi bien ceux des hommes que des androïdes et des robots. Adams articula :
— Entrez… Enchanté, monsieur.
Mais sa voix était mal assurée, son ton affecté. Car en réalité, il n’était pas enchanté du tout. Il éprouvait de l’agacement, voire un malaise confus, de la présence d’un individu, dans l’ombre.
Ce moment de la journée représentait pour Adams, l’heure d’oubli. Oubli des milliers de problèmes ayant trait aux systèmes planétaires, stellaires et autres. L’heure où il aimait ramener son regard autour de lui, penser à tout ce que représentait sa propre planète, savourer le calme des frondaisons dont le vert devenait sombre… Contempler les teintes délicates du coucher du soleil.
Car là, dans la cour dallée, il n’y avait pas de communications transmises par mentophone, pas de robots, pas de conférences galactiques — on disait aussi galaxiques ou galaxiennes — pas d’intrigues psychologiques, pas de rapports plus ou moins ennuyeux sur le comportement de quelque étoile ou planète étrangère ou hostile.
En un mot, rien de mystérieux, rien qui ne fût compliqué.
Une moitié de son cerveau enregistra l’arrivée de l’inconnu s’apprêtant à s’installer dans un fauteuil, cependant que l’autre s’emplissait, une fois de plus, de la pensée de ces cadavres noircis gisant sur la berge du fleuve, dans le lointain Aldebarran-XII, et de la machine volante aux débris tordus et enroulés autour du tronc d’arbre.
Cinq victimes, dont trois Humains et deux Androïdes. Les Androïdes étaient presque des Humains, puisqu’ils en avaient l’apparence, puisqu’ils étaient de chair, d’os et de sang… Mais ils étaient d’origine chimique et non biologique. On les fabriquait en usine, il ne naissaient pas et ne subissaient aucune des phases de croissance propres aux Humains.
Le trépas de ces derniers était beaucoup plus grave. La loi interdisait leur mort violente, à moins d’être provoquée par un autre humain. Et même, dans ce cas, ce ne pouvait être que dans un combat d’honneur dûment réglementé par le code du duel… Ou au pis aller, lors d’une vengeance ou d’une exécution.
*
La traduction française de Georges H. Gallet pour J’ai Lu.
1
L’homme surgit du crépuscule alors que la dernière lueur jaune-vert du soleil s’attardait encore à l’ouest. Il s’arrêta au bord du patio et appela :
— Mr Adams, vous êtes là ?
Le fauteuil craqua quand Christopher Adams sursauta, surpris parla voix. Puis il se souvint. Un nouveau voisin était venu s’installer de l’autre côté de la prairie, depuis un jour ou deux. Jonathon le lui avait dit… et Jonathon était au courant de tout à cent cinquante kilomètres à la ronde. De tout ce que disaient les hommes, les androïdes et les robots.
— Entrez donc, dit Adams. Vous êtes le bienvenu.
Il espéra que sa voix était aussi cordiale et aussi aimable qu’il le souhaitait.
En fait il n’était pas content. Il était même un peu irrité, troublé par cette silhouette soudaine qui surgissait du crépuscule et traversait le patio.
Il passa mentalement la main sur son front.
C’est mon heure, se dit-il. L’heure que je me donne. L’heure où j’oublie… où j’oublie les mille problèmes qui concernent d’autres étoiles. Où je les oublie et me tourne vers l’obscurité verte et le silence et les jeux d’ombres subtils du coucher du soleil qui appartiennent à ma propre planète.
Car ici, dans ce patio, il n’y a pas de rapports par mentophone, pas de classeurs robots, pas de conférences de coordination galactique… pas d’intrigues psychologiques, pas de courbes de réactions des extraterrestres ; rien de compliqué ni de mystérieux… Quoique je puisse me tromper, car il y avait du mystère ici, un mystère feutré, paisible, que l’on peut comprendre et qui ne reste mystérieux que parce que je le veux ainsi. Le mystère de l’engoulevent dans le ciel qui s’assombrit, l’énigme de la luciole dans la baie de lilas.
Une moitié de son cerveau savait que l’étranger avait traversé le patio et qu’il tendait la main vers un fauteuil pour s’y asseoir, tandis que l’autre moitié s’interrogeait de nouveau sur ces corps carbonisés qui gisaient au bord du fleuve, sur la lointaine planète Aldébaran XII, et sur cette machine tordue, enroulée autour d’un arbre.
Trois êtres humains étaient morts là-bas... trois humains et deux androïdes, et les androïdes étaient presque des humains. Et les humains ne devaient pas mourir par la violence, à moins que cela ne fût par la violence d’un autre humain. Et même alors, ce devait être pour une affaire d’honneur avec toutes les formes et les règles du code du duel ou dans les affaires moins raffinées de vengeance ou d’exécution.
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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Un monde magique, les nouvelles de 1950
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The Dying Earth (1950)
Traduction du titre : La Terre Mourante.
Sorti aux USA en 1950 chez Hillman Periodicals, Inc. US.
Traduit en français le 21 mai 1978 par France-Marie Watkins pour J’ai Lu ;
Réédité en avril 1984, janvier 1989, décembre 1992, avril 2003 ;
Réédité en omnibus en octobre 2010 chez PYGMALION.
Traduction de France-Marie Watkins révisée par Sébastien Guillot, chez MNEMOS le 12 novembre 2021.
De Jack Vance.
Pour adultes et adolescents.
(Fantasy post-apocalyptique, monstre, sorcier) Le sorcier Turjan n’arrive pas à créer des créatures vivantes sinon pitoyables. Il cherche alors à trouver un sorcier dont la réputation lui garantira le succès, mais il y aura un prix à payer pour son apprentissage.
*
Le texte original de Jack Vance.
1. TURJAN OF MIIR
TURJAN SAT in his workroom, legs sprawled out from the stool, back against and elbows on the bench. Across the room was a cage; into this Turjan gazed with rueful vexation. The creature in the cage returned the scrutiny with emotions beyond conjecture.
It was a thing to arouse pity—a great head on a small spindly body, with weak rheumy eyes and a flabby button of a nose. The mouth hung slackly wet, the skin glistened waxy pink. In spite of its manifest imperfection, it was to date the most successful product of Turjan's vats.
Turjan stood up, found a bowl of pap. With a long-handled spoon he held food to the creature's mouth. But the mouth refused the spoon and mush trickled down the glazed skin to fall on the rickety frame.
Turjan put down the bowl, stood back and slowly returned to his stool. For a week now it had refused to eat. Did the idiotic visage conceal perception, a will to extinction? As Turjan watched, the white-blue eyes closed, the great head slumped and bumped to the floor of the cage. The limbs relaxed: the creature was dead.
Turjan sighed and left the room. He mounted winding stone stairs and at last came out on the roof of his castle Miir, high above the river Derna. In the west the sun hung close to old earth; ruby shafts, heavy and rich as wine, slanted past the gnarled boles of the archaic forest to lay on the turfed forest floor. The sun sank in accordance with the old ritual; latter-day night fell across the forest, a soft, warm darkness came swiftly, and Turjan stood pondering the death of his latest creature.
He considered its many precursors: the thing all eyes, the boneless creature with the pulsing surface of its brain exposed, the beautiful female body whose intestines trailed out into the nutrient solution like seeking fibrils, the inverted inside-out creatures . . . Turjan sighed bleakly. His methods were at fault; a fundamental element was, lacking from his synthesis, a matrix ordering the components of the pattern.
As he sat gazing across the darkening land, memory took Turjan to a night of years before, when the Sage had stood beside him.
"In ages gone," the Sage had said, his eyes fixed on a low star, "a thousand spells were known to sorcery and the wizards effected their wills. Today, as Earth dies, a hundred spells remain to man's knowledge, and these have come to us through the ancient books ... But there is one called Pandelume, who knows all the spells, all the incantations, cantraps, runes, and thaumaturgies that have ever wrenched and molded space .. ." He had fallen silent, lost in his thoughts.
"Where is this Pandelume?" Turjan had asked presently.
"He dwells in the land of Embelyon," the Sage had replied, "but where this land lies, no one knows."
"How does one find Pandelume, then?"
The Sage had smiled faintly. "If it were ever necessary, a spell exists to take one there."
Both had been silent a moment; then the Sage had spoken, staring out over the forest.
"One may ask anything of Pandelume, and Pandelume will answer—provided that the seeker performs the service Pandelume requires. And Pandelume drives a hard bargain."
*
Traduction au plus proche
1. Turjan de Miir
TURJAN s’assit dans son atelier, les jambes écartées depuis le tabouret, le dos contre et les coudes sur l’établi. De l'autre côté de la pièce, il y avait une cage. Dans celle-ci, Turjan regardait avec une irritation coupable. La créature dans la cage lui rendit son regard avec des émotions au-delà de la conjoncture .
C’était une chose qui provoquait la pitié — une grosse tête sur un petit corps maigre, avec des yeux faibles et chassieux et un bouton flasque en guise de nez. La bouche pendouillait, baveuse, la peau luisait d'un rose cireux. En dépit de son imperfection manifeste, c'était à ce jour le produit le plus abouti des cuves de Turjan.
Turjan se leva, trouva un bol de papaye. Avec une cuillère à long manche, il tint la nourriture à la hauteur de la bouche de la créature. Mais la bouche refusa la cuillère et la bouillie coula le long de la peau vitreuse pour dégoutter sur le cadre branlant.
Turjan reposa le bol, recula et retourna à pas lents à son tabouret. Cela faisait une semaine que la chose refusait de manger. Ce visage idiot cachait-il un entendement, une volonté d'extinction ? Comme Turjan regardait, les yeux bleu-blanc se refermèrent, la grosse tête s’affaissa et heurta le fond de la cage. Les membres se détendirent : la créature était morte.
Turjan soupira et quitta la pièce. Il monta des escaliers de pierre en colimaçon et sortit enfin sur le toit de son château Miir, très au-dessus de la rivière Derna. À l'ouest, le soleil flottait tout proche de la vieille terre ; des rayons de rubis, lourds et riches comme le vin, filtraient entre les troncs noueux de la forêt archaïque pour raser le sol à l’herbe courte. Le soleil sombra selon l'ancien rituel, la nuit de la fin des temps tomba sur la forêt, une obscurité douce et chaude s’abattit rapidement, et Turjan resta là à méditer sur la mort de sa dernière créature.
Il songea à ses nombreuses devancières : la chose qui n'avait que des yeux, la créature sans os dont la surface pulsante du cerveau était exposée, le merveilleux corps féminin dont les intestins dardaient pour plonger dans la solution nutritive comme des fibrilles en quête, les créatures retournées, l’intérieur à l’extérieur . . . Turjan soupira sombrement. Ses méthodes étaient en cause ; un élément fondamental manquait à ses synthèses, une matrice qui ordonnerait correctement les composantes du modèle.
Alors qu'il restait assis à contempler le paysage qui s'assombrissait, les souvenirs de Turjan le ramenèrent à une nuit d’il y avait des années auparavant, lorsque le Sage se tenait alors à ses côtés.
« Aux âges disparus, avait dit le Sage, les yeux fixés sur une étoile basse sur l’horizon, un millier de sortilèges étaient connus de la sorcellerie et les sorciers exauçaient le moindre de leurs vœux. Aujourd'hui, alors que la Terre se meurt, une centaine de sortilèges sont encore connus des humains, et ceux-ci nous sont parvenus par l’entremise de livres très anciens... Mais celui nommé Pandelume, qui connaît tous les sortilèges, toutes les incantations, toutes les tours, toutes les runes et toutes les thaumaturgies qui aient jamais déchiré et remodelé l'espace... » Il s'était tu, perdu dans ses pensées.
« Où est ce Pandelume ?" Turjan avait à ce point demandé.
— Il réside dans le pays d'Embelyon, avait répondu le Sage, mais où se trouve ce pays, personne ne le sait.
— Comment trouve-t-on Pandelume, alors ? »
Le Sage avait souri du bout des lèvres. « Si jamais cela s'avérait nécessaire, un sortilège existe pour transporter quelqu’un là-bas. »
Tous les deux restèrent un temps silencieux, puis le Sage avait de nouveau parlé regardant au loin par-dessus la forêt.
« On peut demander n'importe quoi à Pandelume, et Pandelume répondra — à supposer que le demandeur accomplissent le service que Pandelume exige. Et Pandelume ne lâche rien. »
*
La traduction française de France-Marie Watkin de 1978 pour J’ai Lu.
TURJAN DE MIIR
Turjan était assis sur un tabouret dans son atelier, le dos et les coudes appuyés contre l’établi, les jambes allongées devant lui. Au fond de la pièce il y avait une cage, que Turjan contemplait avec irritation. La créature dans la cage lui rendait son regard avec une émotion dépassant l’entendement.
C’était une chose éveillant la pitié, une énorme tête sur un petit corps malingre, avec des yeux myopes et chassieux et un petit bouton de nez mou. La bouche aussi était molle, humide, la peau d’un rose luisant. Malgré son imperfection évidente, c’était à ce jour le produit le plus réussi des cuves de Turjan.
Turjan se leva, trouva un bol de bouillie. Avec une cuiller à long manche, il approcha de la nourriture de la bouche de la créature. Mais la bouche refusa la cuillerée, et la bouillie coula sur la peau vitreuse pour tomber sur la charpente rachitique.
Turjan posa le bol et retourna lentement vers son tabouret. Depuis une semaine déjà, la chose refusait de manger. Est-ce que ce visage idiot dissimulait une intention, une volonté de disparaître ? Sous le regard de Turjan, les yeux blanc-bleu se fermèrent, la lourde tête s’affaissa et tomba sur le sol de la cage. Les membres se détendirent ; la créature était morte.
Turjan soupira et sortit de la pièce. Par l’escalier de pierre en colimaçon, il grimpa sur le toit de son château de Miir, dominant de très haut le fleuve Derna. A l’ouest, le soleil planait tout près de la vieille terre, des rais de rubis, lourds et chauds comme du vin, tombaient en biais entre les tronc rabougris de la forêt archaïque pour s’étendre sur l’humus. Le soleil se couchait selon le rite millénaire ; la nuit des temps modernes tomba sur la forêt, une douce et tiède obscurité s’étendit rapidement, et Turjan songea à la mort de sa dernière créature.
Il se rappela ses nombreux précurseurs : la chose qui n’était qu’yeux, la créature sans os avec la surface palpitante de son cerveau dénudée, le merveilleux corps féminin dont les intestins sortaient et se tordaient comme des vrilles, dans la solution nutritive, les créatures inversées, retournées comme des gantas… Turjan poussa un profond soupir. Ses méthodes étaient défectueuses ; il manquait à sa synthèse un élément fondamental, une matrice ordonnant les composants du schéma.
Alors qu’il contemplait le paysage obscurci, sa mémoire l’entraîna vers une autre nuit, vers des années passées, quand le Sage s’était trouvé auprès de lui.
— Dans les temps enfuis, avait dit le Sage, le regard rivé sur une étoile à l’horizon, la sorcellerie connaissait mille charmes, et les sorciers accomplissaient leurs volontés. Aujourd’hui, alors que la Terre se meurt, il reste cent charmes dans la science des hommes, qui nous ont été transmis par les livres anciens… Mais il en est un, appelé Pandelume, qui connaît tous les sorts, toutes les incantations, les sortilèges, les runes et les thaumaturgies qui ont jamais forgé et modelé l’espace…
Il s’était tu, perdu dans ses pensées.
— Où est ce Pandelume ? avait enfin demandé Turjan.
— Il habite le pays d’Embelyon, mais où se trouve cette terre, nul ne le sar.
— Comment trouve-t-on Pandelume, alors ?
Le Sage avait souri tristement.
— Si cela devient nécessaire, un charme existe pour s’y transporter.
Tous deux avaient gardé le silence un moment, et puis le Sage avait parlé, en contemplant la forêt. On peut demander n’importe quoi à Pandelume et Pandelume répondra... à condition que le chercheur accomplisse ce que désire Pandelume. Et Pandelume marchande âprement.
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce recueil de nouvelles.
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1984, le roman de 1949
- Détails
- Écrit par David Sicé
- Catégorie : Blog
- Affichages : 460
Nineteen eighty-four (1949)
Traduction du titre : mille-neuf-cent-quatre-vingt-quatre.
Sorti en Angleterre le 8 juin 1949 chez SECKER & WARBURG ;
Sorti aux USA en juillet 1950 chez SIGNET / New American Library US.
Traduit en français en mai 1950 par Amélie Audiberti pour GALLIMARD FR,
Réédité en 1956 au CLUB DES LIBRAIRES DE France, en novembre 1969 au LIVRE DE POCHE FR, en novembre 1972 chez FOLIO FR, réédité en 1973 et 1975, en 1986 dans la collection Mille Soleils chez GALLIMARD FR, en octobre 1989 chez FOLIO FR ; réédité le 13 mai 2021 chez FOLIO SF ;
Nouvelle traduction de Josée Kamoun en mai 2018 pour GALLIMARD, de Celia Izoard du 23 janvier 2019 pour EDITIONS DE LA RUE DORION et le 14 janvier 2021 pour AGONE ;
Nouvelle traduction de Philippe Jaworski le 8 octobre 2020 pour LA PLEIADE, en poche le 7 janvier 2021 collection FOLIO CLASSIQUE .
De George Orwell aka Eric Arthur Blair.
Pour adultes.
(Dystopie, presse, violent) En 1984, le monde est en guerre perpétuelle. La Grande-Bretagne, désormais connue sous le nom de Airstrip One, est devenue une province du super-État totalitaire Oceania, dirigé par Big Brother Winston Smith, est un employé de niveau intermédiaire du ministère de la Vérité qui déteste secrètement le Parti et rêve de rébellion. Il tient un journal intime interdit et entame une relation avec sa collègue Julia, et ils apprennent l'existence d'un groupe de résistance obscur appelé la Fraternité…
*
Le texte original de George Orwell aka Eric Blair pour SECKER & WARBURG UK & SIGNET US.
PART ONE
Chapter 1
It was a bright cold day in April, and the clocks were striking thirteen. Winston Smith, his chin nuzzled into his breast in an effort to escape the vile wind, slipped quickly through the glass doors of Victory Mansions, though not quickly enough to prevent a swirl of gritty dust from entering along with him.
The hallway smelt of boiled cabbage and old rag mats. At one end of it a coloured poster, too large for indoor display, had been tacked to the wall. It depicted simply an enormous face, more than a metre wide: the face of a man of about forty-five, with a heavy black moustache and ruggedly handsome features.
Winston made for the stairs. It was no use trying the lift. Even at the best of times it was seldom working, and at present the electric current was cut off during daylight hours. It was part of the economy drive in preparation for Hate Week.
The flat was seven flights up, and Winston, who was thirty-nine and had a varicose ulcer above his right ankle, went slowly, resting several times on the way. On each landing, opposite the lift-shaft, the poster with the enormous face gazed from the wall. It was one of those pictures which are so contrived that the eyes follow you about when you move. BIG BROTHER IS WATCHING YOU, the caption beneath it ran.
Inside the flat a fruity voice was reading out a list of figures which had something to do with the production of pig-iron. The voice came from an oblong metal plaque like a dulled mirror which formed part of the surface of the right-hand wall. Winston turned a switch and the voice sank somewhat, though the words were still distinguishable. The instrument (the telescreen, it was called) could be dimmed, but there was no way of shutting it off completely. He moved over to the window: a smallish, frail figure, the meagreness of his body merely emphasized by the blue overalls which were the uniform of the party. His hair was very fair, his face naturally sanguine, his skin roughened by coarse soap and blunt razor blades and the cold of the winter that had just ended.
Outside, even through the shut window-pane, the world looked cold. Down in the street little eddies of wind were whirling dust and torn paper into spirals, and though the sun was shining and the sky a harsh blue, there seemed to be no colour in anything, except the posters that were plastered everywhere. The blackmoustachio'd face gazed down from every commanding corner. There was one on the house-front immediately opposite. BIG BROTHER IS WATCHING YOU, the caption said, while the dark eyes looked deep into Winston's own. Down at street level another poster, torn at one corner, flapped fitfully in the wind, alternately covering and uncovering the single word INGSOC. In the far distance a helicopter skimmed down between the roofs, hovered for an instant like a bluebottle, and darted away again with a curving flight. It was the police patrol, snooping into people's windows. The patrols did not matter, however. Only the Thought Police mattered.
Behind Winston's back the voice from the telescreen was still babbling away about pig-iron and the overfulfilment of the Ninth Three-Year Plan. The telescreen received and transmitted simultaneously. Any sound that Winston made, above the level of a very low whisper, would be picked up by it, moreover, so long as he remained within the field of vision which the metalplaque commanded, he could be seen as well as heard. There was of course no way of knowing whether you were being watched at any given moment. How often, or on what system, the Thought Police plugged in on any individual wire was guesswork. It was even conceivable that they watched everybody all the time. But at any rate they could plug in your wire whenever they wanted to. You had to live--did live, from habit that became instinct--in the assumption that every sound you made was overheard, and, except in darkness, every movement scrutinized.
Winston kept his back turned to the telescreen. It was safer, though, as he well knew, even a back can be revealing.
*
La traduction au plus proche.
Partie un
Chapitre 1
C'était une journée froide et lumineuse d'avril, et les horloges sonnaient treize heures. Winston Smith, le menton rentré dans la poitrine pour échapper à l'infâme vent, se glissa rapidement à travers les portes vitrées de Victory Mansions, mais pas assez vite pour empêcher un tourbillon de poussière granuleuse d'entrer avec lui.
Le couloir sentait le chou bouilli et les vieux tapis de chiffon. À l'une de ses extrémités, une affiche colorée, trop grande pour être exposée à l'intérieur, avait été punaisée au mur. Elle représentait simplement un visage énorme, de plus d'un mètre de large : le visage d'un homme d'environ quarante-cinq ans, avec une lourde moustache noire et des traits d'une beauté rude.
Winston se dirigea vers les escaliers. Il était inutile d'essayer l'ascenseur. Même dans les meilleures périodes, il fonctionnait rarement, et actuellement, le courant électrique était coupé pendant la journée. Cela faisait partie de l'effort d'économie en préparation de la Semaine de la Haine.
L'appartement était situé au septième palier, et Winston, qui avait trente-neuf ans et un ulcère variqueux au-dessus de la cheville droite, monta lentement, se reposant plusieurs fois en chemin. Sur chaque palier, en face de la cage d'ascenseur, l'affiche au visage énorme se détachait du mur. C'était l'une de ces images si peu naturelles que les yeux vous suivent lorsque vous bougez. GRAND FRERE VEILLE SUR VOUS, la légende s’étalait en dessous.
À l'intérieur de l'appartement, une voix fruitée lit une liste de chiffres qui ont trait à la production de fonte. La voix provenait d'une plaque métallique oblongue, semblable à un miroir terni, qui faisait partie de la surface du mur de droite. Winston tourna un interrupteur et la voix s'affaiblit quelque peu, bien que les mots fussent encore distincts. L'instrument (l’écran-télé, comme on l'appelait) pouvait être atténué, mais il n'y avait aucun moyen de l'éteindre complètement. Il s'approcha de la fenêtre : une petite silhouette frêle, dont la maigreur n'était que soulignée par la salopette bleue qui était l'uniforme du parti. Ses cheveux étaient très clairs, son visage naturellement sanguin, sa peau rendue rugueuse par le savon grossier, les lames de rasoir émoussées et le froid de l'hiver qui venait de se terminer...
Dehors, même à travers la vitre fermée, le monde semblait froid. Dans la rue, de petits tourbillons de vent faisaient tourbillonner la poussière et le papier déchiré en spirales, et bien que le soleil brillât et que le ciel fût d'un bleu intense, rien ne semblait avoir de couleur, à l'exception des affiches placardées partout. Le visage noir et moustachu regardait de tous les coins imposants. Il y en avait une sur la façade de la maison juste en face. GRAND FRERE VEILLE SUR VOUS, disait la légende, tandis que les yeux sombres regardaient profondément dans ceux de Winston. Au niveau de la rue, une autre affiche, déchirée à l'un des coins, bat au vent, couvrant et découvrant alternativement le mot SOCANG. Au loin, un hélicoptère se faufilait entre les toits, planait un instant comme un ballon bleu, puis s'éloignait à nouveau dans un vol courbe. C'était la patrouille de police, qui fouillait dans les fenêtres des gens. Les patrouilles n'avaient pas d'importance, cependant. Seule la Police de la Pensée comptait.
Dans le dos de Winston, la voix du l’écran-télé continuait à parler de fer brut et du sur-filmage du neuvième plan triennal. L’écrantélé recevait et transmettait simultanément. Tout son que Winston émettait, au-dessus du niveau d'un très faible murmure, était capté par l’appareil, de plus, tant qu'il restait dans le champ de vision que la plaque de métal commandait, il pouvait être vu aussi bien qu'entendu. Il n'y avait bien sûr aucun moyen de savoir si vous étiez surveillé à un moment donné. La fréquence à laquelle la Police de la Pensée se connectait sur un câble individuel, ou le système qu'elle utilisait, n’étaient que conjectures. Il était même concevable qu'elle surveille tout le monde en permanence. Mais en tout cas, ils pouvaient se brancher sur votre câble quand ils le voulaient. Il fallait vivre — vivre, par habitude devenue instinct — dans l'hypothèse que chaque bruit que vous faisiez était entendu et, sauf dans l'obscurité, que chaque mouvement était scruté.
Winston gardait le dos tourné à l’écran-télé. C'était plus sûr, mais, comme il le savait bien, même un dos peut être révélateur....
*
La traduction d’Amélie Audiberti pour GALLIMARD de 1950.
PREMIERE PARTIE,
(CHAPITRE) I
C’était une journée d’avril froide et claire. Les horloges sonnaient treize heures. Winston Smith, le menton rentré dans le cou, s’efforçait d’éviter le vent mauvais. Il passa rapidement la porte vitrée du bloc des « Maisons de la Victoire », pas assez rapidement pour empêcher que s’engouffre en même temps que lui un tourbillon de poussière et de sable.
Le hall sentait le chou cuit et le vieux tapis. A l’une de ses extrémités, une affiche de couleur, trop vaste pour ce déploiement intérieur, était clouée au mur. Elle représentait simplement un énorme visage, large de plus d’un mètre : le visage d’un homme d’environ quarante-cinq ans, à l’épaisse moustache noire, aux traits accentués et beaux.
Winston se dirigea vers l’escalier. Il était inutile d’essayer de prendre l’ascenseur. Même aux meilleures époques, il fonctionnait rarement. Actuellement, d’ailleurs,le courant électrique était coupé dans la journée. C’était une des mesures d’économie prises en vue de la Semaine de la Haine.
Son appartement était au septième. Winston, qui avait trente-neuf ans et souffrait d’un ulcère variqueux au-dessus de la cheville droite, montait lentement. Il s’arrêta plusieurs fois en chemin pour se reposer. A chaque palier, sur une affiche collée au mur, face à la cage de l’ascenseur, l’énorme visage vous fixait du regard. C’était un de ces portraits arrangés de telle sorte que les yeux semblent suivre celui qui passe. Une légende, sous le portrait, disait : BIG BROTHER VOUS REGARDE.
A l’intérieur de l’appartement de Winston, une voix sucrée faisait entendre une série de nombres qui avaient trait à la production de la fonte. La voix provenait d’une plaque de métal oblongue, miroir terne encastré dans le mur de droite. Winston tourna un bouton et la voix diminua de volume, mais les mots étaient encore distincts. Le son de l’appareil (du télécran, comme on disait) pouvait être assourdi, mais il n’y avait aucun moyen de l’éteindre complètement. Winston se dirigea vers la fenêtre. Il était de stature frêle, plutôt petite, et sa maigreur était soulignée par la combinaison bleue, uniforme du Parti. Il avait les cheveux très blonds, le visage naturellement sanguin, la peau durcie par le savon grossier et le froid de l’hiver qui venait de prendre fin.
Au-dehors, même à travers le carreau de la fenêtre fermée, le monde paraissait froid. Dans la rue, de petits remous de vent faisaient tourner en spirale la poussière et le papier déchiré. Bien que le soleil brillât et que le ciel fût d’un bleu dur, tout semblait décoloré, hormis les affiches collées partout. De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston. Au niveau de la rue, une autre affiche, dont un angle était déchiré, battait par à-coups dans le vent, couvrant et découvrant alternativement un seul mot : ANGSOC. Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas d’importance. Seul comptait la Police de la Pensée.
Derrière Winston, la voix du télécran continuait à débiter des renseignements sur la fonte et sur le dépassement des prévisions pour le neuvième plan triennal. Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu.
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