Les Trois Mousquetaires, le roman-feuilleton de 1844
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Les Trois Mousquetaires (1844)
Publié en France en sept parties du 14 mars 1844 au 14 juillet 1844 dans le journal Le Siècle FR.
Publié en roman pour la première fois en 1849 à Paris chez ?
Réimprimé de nombreuses fois jusqu'à nos jours.
De Alexandre Dumas.
Pour adultes et adolescents.
(Aventure de cape et d’épées,) Le Royaume de France, 1626. Le jeune d’Artagnan, têtu et susceptible, monte à Paris sur un cheval jaune cadeau de son père — armé de son épée et d’une lettre de recommandation au capitaine des Mousquetaires du Roi, Monsieur de Tresville. Mais un homme lui vole la lettre en chemin, et quand D’Artagnan le revoit de la fenêtre de chez Monsieur de Tréville, il se lance à sa poursuite, froissant les susceptibilités de trois mousquetaires plus agueris que Tréville venait d’humilier devant lui.
***
Le texte original de Alexandre Dumas, feuilleton de 1844 pour le journal du Siècle.
LES TROIS MOUSQUETAIRES
Préface
Dans laquelle il est établi que malgré leurs noms en os et en is, les héros de l’histoire que nous allons avoir l’honneur de raconter à nos lecteurs n’ont rien de mythologique.
Il y a un an à peu près, qu’en faisant à la Bibliothèque royale des recherches pour mon histoire de Louis XIV, je tombai par hasard sur les Mémoires de M. d’Artagnan,—imprimés, comme la plus grande partie des ouvrages de cet époque, où les auteurs tenaient à dire la vérité sans aller faire un tour plus ou moins long à la Bastille,—à Amsterdam, chez Pierre Rouge. Le titre me séduisit, je les emportai chez moi, avec la permission de M. le conservateur, bien entendu, et je les dévorai.
Mon intention n’est pas de faire ici une analyse de ce curieux ouvrage, et je me contenterai d’y renvoyer ceux de mes lecteurs qui apprécient les tableaux d’époque. Ils y trouveront des portraits crayonnés de main de maître, et quoique ces esquisses soient pour la plupart du temps tracées sur des portes de caserne, et sur des murs de cabaret, ils n’y reconnaîtront pas moin, aussi ressemblans que dans l’histoire de M. Anquetil, les images de Louis XIII, d’Anne d’Autriche, de Richelieu, de Mazarin et de la plupart des courtisans de l’époque.
Mais, comme on le sait, ce qui frappe l’esprit capricieux du poète, n’est pas toujours ce qui impressionne la masse des lecteurs. Or, tout en admirant, comme les autres les admireront sans doute, les détails que nous avons signalés, la chose, qui nous préoccupe le plus est une chose à laquelle, bien certainement, personne avant nous n’avait fait la moindre attention.
D’Artagnant raconte qu’à sa première visite à M. de Tréville, capitaine des mousquetaires du roi, il rencontra dans son antichambre trois jeunes gens servant dans l’illustre corps où il sollicitait l’honneur d’être reçu, et ayant noms Athos, Porthos et Aramis.
Nous l’avouons, ces trois noms étranges nous frappèrent, et il nous vint aussitôt à l’esprit qu’ils n’étaient que des pseudonymes, à l’aide desquels d’Artagnan avait déguisé des noms peut-être illustres, si toutefois les porteurs de ces noms d’emprunt ne les avaient pas choisis eux-même le jour où, par caprice, par mécontentement ou par défaut de fortune, ils avaient endossé la simple casaque de mousquetaires.
Dès lors nous n’eûmes plus de repos que nous n’eussions retrouvé dans les ouvrages contemporains une trace quelconque de ces noms extraordinaires qui avaient si fort éveillé notre curiosité.
Le seul catalogue des livres que nous lûmes pour arriver à ce but remplirait le feuilleton tout entier, ce qui serait peut-être fort instructif, mais à coup sûr peu amusant pour nos lecteurs. Nous nous contenterons donc de leur dire qu’au moment où, découragé de tant d’investigations infructueuses, nous allions abandonner notre recherche, nous trouvâmes enfin, guidé par les conseils de notre illustre et davant ami Paulin Pâris, un manuscrit in-folio, coté sous le n°4772 ou 4772, nous ne nous le rappelons plus bien, ayant pour titre :
« Mémoire de M. le comte de la Fère, concernant queles-uns des évènemens qui se passèrent en France vers la fin du règne du roi Louis XIII et le commencement du règne de Louis XVI. »
On devine si notre joie fut grande lorsqu’en feuilletant ce manuscrit, notre dernier espoir, nous trouvâmes à la vingtième page le nom d’Athos, à la vingt-septième le nom de Porthos, et à la trente-et-unième le nom d’Aramis.
La découverte d’un manuscrit complètemen tinconnu dans une époque où la science historique est poussée à un si haut degré, nous parut une trouvaille presque miraculeuse. Aussi nous hâtâmes-nous de solliciter la permission de le faire imprimer, dans le but de nous présenter un jour avec le bagage des autres à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, si nous n’arrivons, chose fort probable, à entrer à l’Académie française avec notre propre bagage.
Cette permission, nous devons le dire, nous fut gracieusement accordée, ce que nous consignons ici, pour donner un démenti public aux malveillans qui prétendent que nous vivons sous un gouvernement assez médiocrement disposé à l’endroit des gens de lettres.
Or, c’est la première partie de ce précieux manuscrit que nous offrons aujourd’hui à nos lecteurs, en lui restituant le titre qui lui convient, prenant l’engagement, si, comme nous n’en doutons pas, cette première partie obtient le succès qu’elle mérite, de publier incessamment la seconde.
En attendant, comme le parrain est un second père, nous invitons nos lecteurs à s’en prendre à nous, et non au compte de La Fère, de son plaisir ou de son ennui.
Cela pesé, passons à notre histoire.
Le texte original de Alexandre Dumas, édité à Paris en 1849 chez ?
CHAPITRE PREMIER
LES TROIS PRESENTS DE MONSIEUR D’ARTAGNAN PERE.
LE premier lundi du mois d'avril 1626, le bourg de Meung, où naquit l'auteur du Roman de la Rose, semblait être dans une révolution aussi entière que si les huguenots en fussent venus faire une seconde Rochelle. Plusieurs bourgeois, voyant s'enfuir les femmes le long de la grande rue, entendant les enfants crier sur le seuil des portes, se hâtaient d'endosser la cuirasse, et appuyant leur contenance quelque peu incertaine d'un mousquet ou d'une pertuisane, se dirigeaient vers l'hôtellerie du Franc-Meunier, devant laquelle s'empressait, en grossissant de minute en minute, un groupe compacte, bruyant et plein de curiosité.
En ce temps-là les paniques étaient fréquentes, et peu de jours se passaient sans qu'une ville ou l'autre enregistrât sur ses archives quelque événement de ce genre. Il y avait les seigneurs qui guerroyaient entre eux ; il y avait le cardinal qui faisait la guerre au roi et aux seigneurs; il y avait l'Espagnol qui faisait la guerre aux seigneurs, au cardinal et au roi. Puis, outre ces guerres sourdes ou publiques, secrètes ou patentes, il y avait encore les voleurs, les mendiants, les huguenots, les loups et les laquais, qui faisaient la guerre à tout le monde. Les bourgeois s'armaient toujours contre les voleurs, contre les loups, contre les laquais ; — souvent contre les seigneurs et les huguenots; — quelquefois contre le roi ; — mais jamais contre le cardinal et l'Espagnol. Il résulta donc de ces habitudes prises, que ce susdit premier lundi du mois d'avril 1626, les bourgeois en tendant du bruit, et ne voyant ni le guidon jaune et rouge, ni la livrée du duc de Richelieu, se précipitèrent du côté de l'hôtel du Franc-Meunier.
Arrivé là, chacun put reconnaître la cause de cette rumeur.
Un jeune homme... — traçons son portrait d'un seul trait de plume : — figurez-vous don Quichotte à dix-huit ans; don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissard ; don Quichotte revêtu d'un pourpoint de laine, dont la couleur bleue s'était transformée en une nuance insaisissable de lie de vin et d'azur céleste. Visage long et brun ; la pommettedes joues saillante, signe d'astuce; les muscles maxillaires énormément développés, indice infaillible où l'on reconnaîtle Gascon, même sans béret, et notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume; l'oeil ouvert et intelligent; le nez crochu, mais finement dessiné; trop grand pour un adolescent, trop petit pour un homme fait, et qu'un œil exercé eût pris pour un fils de fermier en voyage, sans la longue épée qui, pendue à un baudrier de peau, battait les mollets de son propriétaire, quand il était à pied, et le poil hérissé de sa monture quand il était à cheval.
(…) Le même jour le jeune homme se mit en route, muni des trois présents paternels,et qui se composaient, ainsi que nous l'avons dit, de quinze écus, du cheval et de la lettre pour M. de Tréville ; commeon le pense bien, les conseils avaient été donnés pâr-dessus le marché. Avec un pareil vade mecum, Artagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du héros dé Cervantes, auquel nous l'avons si heureusement comparé lorsque nos devoirs d'historien nous ont faitune nécessité de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins à vent pour des géants et les moutons pour des armées ; Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en résulta qu'il eut toujours le poing fermé depuis Tarbes jusqu'à Meung, et que l'un dans l'autre il porta la main au pommeau de son épée dix fois par jour; toutefois, le poing ne descendit sur aucune mâchoire, et l'épée ne sortit point du fourreau. Ce n'est pas que la vue du malencontreux bidet jaune n'épanouît bien des sourires sur les visages des passants ; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une épée de taille respectable et qu'au-dessus de cette épée brillait un œil plutôt féroce que fier, les passants réprimaient leur hilarité, ou si l'hilarité l'emportait sur la prudence, ils tâchaientau moins de ne rire que d'un seul côté, comme les masques antiques. D'Artagnan demeura donc majestueux et intact dans sa susceptibilité jusqu'à cette malheureuse ville de Meung.
Mais là, comme il descendait de cheval à la porte du Franc-Meunier sans que personne, hôte, garçon ou palfrenier, fût venu lui tenir l'étrier, d'Artagnan avisa à une fenêtre entrouverte du rez-de-chaussée un gentilhomme de belle taille et de haute mine, quoique au visage légèrement renfrogné lequel causait avec deux personnes qui paraissaient l'écouter avec déférence. D'Artagnan crut tout naturellement, selon son habitude, être l'objet de la conversation et tendit l'oreille. Cette fois d'Artagnan ne s'était trompé qu'à moitié : ce n'était pas de lui qu'il était question, mais de son cheval. Le gentilhomme paraissait énumérer à ses auditeurs toutes les qualités de l'animal, et comme, ainsi que je l'ai dit, les auditeurs semblaient avoir une grande déférence pour le narrateur, ils éclataient de rire à tout moment. Or, comme un demi-sourire suffisait pour éveiller l'irascibilité du jeune homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante hilarité.
Cependant d'Artagnan voulut d'abord se rendre compte de la physionomie de l'impertinent qui se moquait de lui. Il fixa son regard fier sur l'étranger, et reconnut un homme de quarante à quarante-cinq ans, aux yeux sombres et perçants, au teint pâle, au nez fortement accentué, à la moustache noire et parfaitement taillée : il était vêtu d'un pourpoint et d'un haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement que les crevés habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut-de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froissés comme le sont les habits de voyage longtemps renfermés dans un porte-manteau. D'Artagnan fit toutes ces remarques avec la rapidité de l'observateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande influence sur sa vie à venir.
Or, comme au moment où d'Artagnan fixait son regard sur le gentilhomme au pourpoint violet, le gentilhomme faisait à l'endroit du bidet béarnais une de plus ses savantes et de ses plus profondes démonstrations,ses deux auditeurs éclatèrent de rire, et lui-même laissa visiblement, contre son habitude, errer, si l'on peut parler ainsi, un pâle sourire sur son visage. Cette fois, il n'y avait plus de doute : d'Artagnan était réellement insulté.
(…)
M. de Tréville, après avoir écrit la lettre, la cacheta, et se levant s'approcha du jeune hommepour la lui donner ; mais au moment même où d'Artagnan étendait la main pour la recevoir, M. de Tréville fut bien étonné de voir son protégé faire un soubresaut, rougir de colère et s'élancer hors du cabinet en criant : — Ah, sangdieu ! il ne m'échappera pas, cette —Et qui cela ? demanda M. de Tréville.
— Lui, mon voleur ! répondit d'Artagnan. Ah ! traître !
Et il disparut.
— Diable de fou ! murmura M. de Tréville. A moins toutefois, ajouta-t-il, que ce ne soit une manière adroite de s'esquiver, en voyant qu'il a manqué son coup !
CHAPITRE IV
L'ÉPAULE D'ATHOS, LE BAUDRIER DE PORTHOS
ET LE MOUCHOIR D'ARAMIS.
D'ARTAGNAN, furieux, avait traversé l'antichambre en trois bonds et s'élançait sur l'escalier, dont il comptait descendre les degrés quatre à quatre, lorsque, emporté par sa course, il alla donner tête baissée dans un mousquetaire qui sortait de chez M. de Tréville par une porte de dégagement, et le heurtant du front à l'épaule, lui fit pousser un cri ou plutôt un hurlement.
—Excusez-moi, dit d'Artagnan, essayant de reprendre sa course, excusez-moi, mais je suis pressé.
A peine avait-il descendu le premier escalier, qu'un poignet de fer le saisit par son écharpe et l'arrêta.
— Vous êtes pressé! s'écria le mousquetaire, pâle comme un linceul ; sous ce prétexte vous me heurtez, vous dites : « Excusez-moi, » et vous croyez que cela suffit? Pas tout à fait mon jeune homme. Croyez-vous, parce que vous avez entendu M. de Tréville nous parler un peu cavalièrement aujourd'hui, que l'on peut nous traiter comme il nous parle ? Détrompez-vous, compagnon; vous n'êtes pas M. de Tréville, vous.
— Ma foi, répliqua d'Artagnan, qui reconnut Athos, lequel, après le pansement opéré par le docteur, regagnait son appartement; ma foi, je ne l'ai pas fait exprès, et ne l'ayant pas fait exprès, j'ai dit : « Excusez-moi. » Il me semble donc que c'est assez. Je vous répète cependant, et cette fois c'est trop peut-être, que, parole d'honneur, je suis pressé, très pressé. Lâchez-moi donc, je vous prie, et laissez-moi aller ou j'ai affaire,
— Monsieur, dit Athos en le lâchant, vous n'êtes pas poli. On voit que vous venez de loin.
D'Artagnan avait déjà enjambé trois ou quatre degrés, mais, à la remarque d'Athos il s'arrêta court.
— Morbleu ! monsieur, dit-il, de si loin que je vienne, ce n'est pas vous qui me donnerez une leçon de belles manières, je vous en préviens.
— Peut-être, dit Athos.
— Ah ! si je n'étais pas si pressé, s'écria d'Artagnan, et si je ne courais pas après quelqu'un...
— Monsieur l'homme pressé, vous me trouverez sans courir, moi, entendez-vous ?
— Et où cela, s'il vous plaît ?
— Près des Carmes-Deschaux.
— A quelle heure?
— Vers midi.
— Vers midi, c'est bien, j'y serai.
— Tâchez de ne pas trop me faire attendre, car à midi un quart je vous préviens que c'est moi qui-courrai après vous et vous couperai les. oreilles à là course.
— Bon ! lui cria d'Artagnan ; on y sera à midi moins dix minutes.
Et il se remit à courir comme si le diable l'emportait, espérant retrouver encore son inconnu, que son pas tranquille ne devait pas avoir conduit bien loin.
Mais à la porte de la rue causait Porthos avec un soldat aux gardes. Entre les deux causeurs il y avait juste l'espace d'un homme. D'Artagnan crut que cet espace lui suffirait, et il s'élança pour passer comme une flèche entre eux deux.
Mais d'Artagnan avait compté sans le vent. Comme il allait passer, le vent s'engouffra dans le long manteau de Porthos, et d'Artagnan vint donner droit dans le manteau. Sans doute Porthos avait des raisons de ne pas abandonner cette partie essentielle de son vêtement, car, au lieu de laisser aller le pan qu'il tenait, il tira à lui, de sorte que d'Artagnan s'enroula dans le velours par un mouvement de rotation qu'explique la résistance de l'obstiné Porthos.
D'Artagnan, entendant jurer le mousquetaire, voulut, sortir de dessous le manteau qui l'aveuglait et chercha son chemin dans les plis. Il redoutait surtout d'avoir porté atteinte à la fraîcheur du magnifique baudrier que nous connaissons; mais en ouvrant timidement les yeux, il se trouva le nez collé entre les deux épaules de Porthos, c'est-à-dire précisément sur le baudrier. Hélas! comme la plupart des choses de ce monde, qui n'ont pour elles que l'apparence, le baudrier était d'or par devant et de simple buffle par derrière. Porthos, en vrai glorieux qu'il était, ne pouvant avoir un baudrier d'or tout entier, en avait au moins la moitié : on comprenait dès lors la nécessité du rhume et l'urgence du manteau.
— Vertubleu ! cria Porthos, faisant tous ses efforts pour se débarrasser de d'Artagnan qui lui grouillait dans le dos, vous êtes donc enragé, de vous jeter comme cela sur les gens !
— Excusez-moi, dit d'Artagnan, reparaissant sous l'épaule du géant, mais je suis très pressé, je cours après quelqu'un, et.... — Est-ce que vous oubliez vos yeux quand vous courez, par hasard ? demanda Porthos.
— Non, répondit d'Artagnan piqué, non, et grâce à mes yeux, je vois même ce que les autres ne voient pas.
Porthos comprit ou ne comprit pas ; toujours est-il que se laissant aller à sa colère :
— Monsieur, dit-il, vous vous ferez étriller, je vous en préviens, si vous vous frottez ainsi aux mousquetaires.
— Etriller, monsieur ? dit d'Artagnan, le mot est dur.
— C'est celui qui convientà un homme habitué à regarder en face ses ennemis.
— Ah ! pardieu, je sais bien que vous ne tournez pas le dos aux vôtres, vous.
Et le jeune homme, enchanté de son espiéglerie, s'éloigna en riant à gorge déployée.
Porthos écuma de rage et fit un mouvement pour se précipiter sur d'Artagnan.
— Plus tard, plus tard, lui cria celui-ci ; quand vous n'aurez plus votre manteau.
—A une heure donc, derrière le Luxembourg.
—Très bien, à une heure, répondit d'Artagnanen tournant l'angle de la rue.
Mais ni dans la rue qu'il venait de parcourir, ni dans celle qu'il embrassait maintenant du regard, il ne vit personne. Si doucement qu'eût marché l'inconnu, il avait gagné du chemin; peut-être aussi était-il entré dans quelque maison. D'Artagnan s'informa de lui à tous ceux qu'il rencontra;, descendit jusqu'au bac, remonta par la rue de Seine et la Croix-Rouge; mais rien ne se trouva, absolument rien. Cependant cette course lui fut profitable en ce sens qu'à mesure que la sueur inondait son front, son coeur se refroidissait.
(…)
Allons, d'Artagnan, mon ami continua-t-il, se parlant à lui-même avec toute l'aménité qu'il croyait se devoir, si tu en réchappes, ce qui n'est pas probable, il s'agit d'être a l'avenir d'une politesse parfaite. Désormais il faut qu'on t'admire, qu'on te cite comme modèle. Être prévenant et poli, ce n'est pas être lâche. Regarde plutôt Aramis : Aramis, c'est la douceur, c'est la grâce en personne. Eh bien ! quelqu'un s'est-il jamais avisé de dire qu'Aramis était un lâche ? non, bien certainement, et désormais je veux en tous points me modeler sur lui. Ah ! justement le voici.
D'Artagnan, tout en marchant et en monologuant, était arrivé à quelques pas de l'hôtel d'Aiguillon, et devant cet hôtel il avait aperçu Aramis causant gaîment avec trois gentilshommes des gardes du roi. De son côté, Aramis aperçut d'Artagnan ; mais comme il n'oubliait pas que c'était devant ce jeune homme que M. de Tréville s'était si fort emporté le matin, et qu'un témoin des reproches que les mousquetaires avaient reçus ne lui était d'aucune façon agréable, il fit semblant de ne le point voir. D'Artagnan, tout entier au contraire à ses plans de conciliation et de courtoisie, s'approcha des quatre jeunes gens en leur faisant un grand salut accompagné du plus gracieux sourire. Aramis inclina légèrement la tête, mais ne sourit point. Tous quatre, au reste interrompirent à l'instant même leur conversation.
D'Artagnan n'était pas assez niais pour ne pas s'apercevoir qu'il était de trop-; mais il n'était point encore assez rompu aux façons du beau monde pour se tirer galamment d'une situation fausse comme l'est en général celle d'un homme qui est venu se mêler à des gens qu'il connaît à peine, et à une conversation qui ne le regarde pas. Il cherchait donc en lui-même un moyen de faire sa retraite le moins gauchement possible, lorsqu'il remarqua qu'Aramis avait laissé tomber son mouchoir, et par mégarde, sans doute, avait mis le pied dessus ; le moment lui parut arrivé de réparer son inconvenance; il se baissa, et de l'air le plus gracieux qu'il put trouver, il tira le mouchoir de dessous le pied du mousquetaire, quelques efforts que celui-ci fît pour le retenir, et lui dit en le lui remettant :
—Je crois, monsieur, que voici un mouchoir que vous seriez fâché de perdre.
Le mouchoir était en effet richement brodé et portait une couronne et des armes à l'un de ses coins. Aramis rougit excessivement et arracha plutôt qu'il ne prit le mouchoir des mains du Gascon.
— Ah, ah ! s'écria un des gardes ; diras-tu encore discret, Aramis, que tu es mal avec Mme de Bois-Tracy, quand cette gracieuse dame a l'obligeance de te prêter ses mouchoirs ?
Aramis lança à d'Artagnan un de ces regards qui font comprendre à un homme qu'il vient de s'acquérir un ennemi mortel; puis, reprenant son air doucereux :
— Vous vous trompez, messieurs, dit-il, ce mouchoir n'est pas à moi, et je ne sais pourquoi monsieur a eu la fantaisie de me le remettre plutôt qu'à l'un de vous, et la preuve de ce que je dis, c'est que voici le mien dans ma poche.
A ces mots, il tira son propre mouchoir, mouchoir fort élégant aussi et de fine batiste, quoique la batiste fût chère à cette époque, mais mouchoir sans broderie, sans armes et orné d'un seul chiffre, celui de son propriétaire.
Cette fois d'Artagnan ne souffla pas lé mot : il avait reconnu sa bévue. Mais les amis d'Aramis ne se laissèrent pas convaincre par ses dénégations, et l'un d'eux s'adressant au jeune mousquetaire avec un sérieux affecté :
— Si cela était, dit-il, ainsi que tu le prétends, je serais forcé, mon cher Aramis, de te le redemander, car, comme tu le sais, Bois-Tracy est de mes intimes, et je ne veux pas qu'on fasse trophée des effets de sa femme.
— Tu demandes cela mal, répondit Aramis, et tout en reconnaissant là justesse de ta réclamation quant au fond, je refuserais à cause de la forme.
— Le fait est, hasarda timidement d'Artagnan, que je n'ai pas vu sortir le mouchoir de la poche de M. Aramis. Il avait le pied dessus, voilà tout, et j'ai pensé que, puisqu'il avait le pied dessus, le mouchoir était à lui.
— Et vous vous êtes trompé, mon cher monsieur, répondit froidement Aramis, peu sensible à la réparation ; puis, se retournant vers celui des gardes qui s'était déclaré l'ami de Bois-Tracy : —D'ailleurs, continua-t-il, je réfléchis, mon cher intime de Bois-Tracy, que je suis son ami non moins tendre que tu peux l'être toi-même, de sorte qu'à la rigueur, ce mouchoir peut aussi bien être sorti de ta poche que de la mienne.
— Non, sur mon honneur, s'écria le garde de Sa Majesté.
— Tu vas jurer sur ton honneur, et moi sur ma parole, et alors il y aura évidemment un de nous deux qui mentira. Tiens, faisons mieux, Montaran, prenons-en chacun la moitié.
— Du mouchoir ?
— Oui.
— Parfaitement, s'écrièrent les deux gardes, — le jugement du roi Salomon. Décidément, Aramis, tu es plein de sagesse.
Les jeunes gens éclatèrent de rire et, comme on le pense bien, l'affaire n'eut pas d'autre suite. Au bout d'un instant, la conversation cessa et les trois gardes et le mousquetaire, après s'être cordialement serré la main, tirèrent, les trois gardes de leur côté , et Aramis du sien.
—Voilà le moment de faire ma paix avec ce galant homme, se dit à part lui D'Artagnan, qui s'était tenu un peu à l'écart pendant toute la dernière partie de cette conversation; et, sur ce bon sentiment, se rapprochant d'Aramis qui s'éloignait sans faire autrement attention à lui :
—Monsieur, lui dit-il, vous m'excuserez, je l'espère.
—Ah! monsieur, interrompit Aramis, permettez-moi de vous faire observer que Vous n'avez point agi en cette circonstance comme un galant homme le devait faire.
— Quoi, monsieur, s'écria d'Artagnan, vous supposez..
— Je suppose, monsieur, que vous n'êtes pas un sot, et que vous savez bien, quoique arrivant de Gascogne, qu'on ne marche pas sans cause sur les mouchoirs de poche. Que diable ! Paris n'est point pavé en batiste.
— Monsieur, Vous avez tort de chercher à m'humilier, dit d'Artagnan, chez qui le naturel querelleur commençait à parler plus haut que les résolutions pacifiques. Je suis de Gascogne, c'est vrai, et, puisque vous le savez, je n'aurai pas besoin de vous dire que les Gascons sont peu endurants, de sorte que lorsqu'ils se sont excusés' une fois, fût-ce d'une sottise, ils sont convaincus qu'ils ont déjà fait moitié plus qu'ils ne devaient faire.
— Monsieur, ce que je vous en dis, répondit Aramis, n'est point pour vous chercher une querelle. Dieu merci! je ne suis pas un spadassin, et n'étant mousquetaire que par intérim, je ne me bats que lorsque j'y suis forcé et toujours avec une grande répugnance. Mais, cette fois, l'affaire est grave, car voici une dame compromise par vous.
— Par nous, c'est-à-dire ! s'écria d'Artagnan.
— Pourquoi avez-vous eu la maladresse de me rendre ce mouchoir?
— Pourquoi avez-vous eu la maladresse de le laisser tomber ?
— J'ai dit et je répète, monsieur, que ce mouchoir n'est point sorti de ma poche.
— Eh bien ! vous en avez menti deux fois, monsieur ! car je l'en ai vu sortir, moi!
— Ah ! vous le prenez sur ce ton, monsieur le Gascon ? eh bien ! je vous apprendrai à vivre !
— Et moi je vous renverrai à votre messe, monsieur l'abbé ! Dégainez, s'il vous plaît, et à l'instant même.
— Non pas, mon bel ami, non pas ici, du moins. Ne voyez-vous pas que nous sommes en face de l'hôtel d'Aiguillon, lequel est plein de créatures du cardinal? Qui me dit que ce n'est pas Son Éminence qui vous a chargé de lui procurer ma tête ? Or, j'y tiens ridiculement, à ma tête, attendu qu'elle me semble aller assez, correctement à mes épaules. Je veux donc vous tuer, soyez tranquille, mais vous tuer tout doucement, dans un endroit clos et couvert, là où vous ne puissiez vous vanter de votre mort à personne.
— Je le veux bien, mais ne vous y fiez pas, et emportez votre mouchoir, qu'il vous appartienne ou non ; peut-être aurez-vous l'occasion de vous en servir.
— Monsieur est Gascon ? demanda Aramis.
— Oui, mais monsieur ne remet pas un rendez-vous pas prudence.
—La prudence, monsieur, est une vertu assez mutile aux mousquetaires, je le sais, mais indispensable aux gens d'église, et comme je ne suis mousquetaire que provisoirement, je tiens à rester prudent. A deux heures, j'aurai l'honneur de vous attendre à l'hôtel de M. de Tréville. Là je vous indiquerai les bons endroits.
Les deux jeunes gens se saluèrent, puis Aramis s'éloigna en remontant la rue qui conduisait au Luxembourg, tandis que d'Artagnan, voyant que l'heure s'avançait, prenait le chemin des Carmes-Deschaux tout en disant à part soi : — Décidément je n'en puis pas revenir ; mais au moins, si je suis tué, je serai tué par un mousquetaire.
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Ce texte est dans le domaine public. Il est téléchargeable légalement et gratuitement ici.
Les éditions originales en feuilleton de 1844 sont téléchargeable légalement et gratuitement à partir de cette page.
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Ici la page du forum Phlippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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Frankenstein ou le Prométhée moderne, le roman de 1818
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Frankenstein; or, The Modern Prometheus (1818)
Publié en Angleterre le 11 mars 1818 chez Lackington, Hughes, Harding, Mavor & Jones, 3 volumes, 280 pages.
De Mary Shelley (Mary Wollstonecraft Shelley).
Pour adultes.
Résumé à venir.
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Les adaptations au cinéma chroniquées dans ce blog
Docteur Frankenstein (2015, Victor Frankenstein)
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Les adaptations à la télévision chroniquées dans ce blog
The Frankenstein Chronicles (2015)
Second Chance (2016, The Frankenstein Code, Looking Glass)
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(Traduction au plus près de David Sicé).
- T'ai-je demandé, Ô Toi, mon Créateur, le jour de ma naissance
- De me fondre en Homme ? T'ai-je imploré, Ô Toi,
- Depuis les Ténèbres, de m'élever en rang ? —
- Le Paradis Perdu (x. 743-5)
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Lettre I.
A Mrs. Saville, Angleterre.
Saint Pétersbourg, 11 décembre 17..
Vous vous réjouirez d’apprendre qu'aucun désastre n’a accompagné le commencement d’une entreprise que vous estimiez vouée à de si mauvais augures. Je suis arrivé ici hier et mon premier soin est d’assurer ma chère sœur de ma prospérité, et de ma confiance croissante en le succès de mon entreprise.
Je suis déjà très au nord de Londres, et comme je me promène dans les rues de Pétersbourg, je peux sentir une brise nordique froide taquiner mes joues, ce qui excite mes nerfs et me remplit d'enchantement. Comprenez-vous ce sentiment ? Cette brise, qui a voyagé depuis les contrées vers lesquelles j'avance, me donne un avant-goût de ces climats glacés. Inspiré par ce vent prometteur, mes rêveries deviennent plus fiévreuses et plus vivaces. J'essaie en vain de me persuader que le pôle est le siège du gel et de la désolation, il se présentera toujours à mon esprit comme la contrée de la beauté et de l'enchantement...
***
(Texte original.)
- Did I request thee, Maker, from my clay
- To mould Me man? Did I solicit thee
- From darkness to promote me?—
- Paradise Lost (x. 743-5)
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Letter 1
TO Mrs. Saville, England
St. Petersburgh, Dec. 11th, 17-
You will rejoice to hear that no disaster has accompanied the commencement of an enterprise which you have regarded with such evil forebodings. I arrived here yesterday, and my first task is to assure my dear sister of my welfare and increasing confidence in the success of my undertaking.
I am already far north of London, and as I walk in the streets of Petersburgh, I feel a cold northern breeze play upon my cheeks, which braces my nerves and fills me with delight. Do you understand this feeling? This breeze, which has travelled from the regions towards which I am advancing, gives me a foretaste of those icy climes. Inspirited by this wind of promise, my daydreams become more fervent and vivid. I try in vain to be persuaded that the pole is the seat of frost and desolation; it ever presents itself to my imagination as the region of beauty and delight...
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La légende dorée, le recueil de légendes de 1266
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- Écrit par David Sicé
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Legenda Aurae (1266)
Traduction du titre original latin : La légende d'or.
Publié en latin en 1266.
Considérablement augmenté lors des rééditions.
Premier livre imprimé en français en 1476 à Lyon.
Traduit notamment par Jean de Vignay pour la reine Jeanne de Bourgogne,
Illustré par de nombreux bas-reliefs dans les cathédrales, ainsi que par de nombreux peintres et tapissiers.
Traduit en 1843 par Pierre-Gustave Brunet,
Traduit en 1902 par J.-B. M. Roze,
Traduit en 1911 par Teodor de Wyzeva.
Adapté au cinéma sans citer le titre et l'auteur du texte original aka plagiée dans Le Dragon du Lac de Feu 1981.
De Jacques de Voragine aka Jacobus de Voragine aka Jacopo da Varazz.
Pour adultes et adolescents.
(Compilation de légendes, Fantasy) La vie d’environ 150 Saints associés à un jour de l’année.
*
Le texte original de Jacques de Voragine achevé en 1298.
Avec traduction juxtalinéaire de Jean-Baptiste Roze de 1902 (parenthèses de moi).
Noter que la wikipédia stigmatise la traduction de J.B Roze comme « historiquement dépassée » alors qu’elle est fidèle quasiment au mot près au texte source latin dont je dispose — et pas les autres traductions proposées. Donc, vérifiez toujours la Wikipédia et autres par vous-même.
CAP. LVIII.
(Chapitre 58)
De sancto Georgio.
(à propos de) Saint Georges.
Georgius dicitur a geos, quod est terra, et orge,
Georges est ainsi appelé de Geos, qui veut dire terre, et orge
quod est colere, quasi colens terram, id est carnem suam.
qui signifie cultiver, cultivant la terre, c’est-à-dire sa (propre) chair.
Augustinus autem in libro de trinitate, quod bona terra est
Saint Augustin au livre de la Trinité avance que la bonne terre est
altitudine montium, temperamento collium,
sur les hauteurs des montagnes, dans les collines tempérées,
planitie corporum. Prima enim est bona ad virentes herbas,
et dans les plaines des champs. La première convient aux herbes verdoyantes.
secunda ad vineas , tertia ad fruges. Sic beatus Georgius
la seconde aux vignes, la troisième aux blés., De même saint Georges
fuit altus despiciendo inferiora et ideo habuit virorem puritatis,
s’éleva en méprisant les choses basses ce qui lui donna la verdeur de la pureté,
temperatus per discretionem et ideo habuit vinum
il fut tempéré en discernement, aussi eut-il le vin
aeternae jucunditatis, planus per humilitatem
de l’allégresse intérieure. Il fut plein d’humilité
et ideo protulit fruges bonae operationis.
ce qui lui fit produire des fruits de bonnes œuvres.
Vel dicitur a gerar, quod est sacrum, et gyon, quod est arena,
Georges pourrait encore venir de gerar, sacré, de gyon, sable,
quasi sacra arena. Fuit enim arena, quia ponderosus
(quasiment) sable sacré ; or Georges fut comme le sable, lourd
morum gravitate , minutus humilitate,
par la gravité de ses mœurs, menu par son humilité
et siccus a carnali voluptate. Vel dicitur a gerar,
et sec ou exempt de volupté charnelle. Georges viendrait de gerar,
quod est sacrum , et gyon , quod est luctatio,
(ce qui veut dire) sacré, et gyon, (ce qui veut dire) lutte,
quasi sacer luctator, quia luctatus est cum dracone et carnifice;
(quasi) lutteur sacré, parce qu’il lutta contre le dragon et contre le bourreau ;
vel Georgius dicitur a gero, quod est peregrinus,
On pourrait encore tirer (Georges) de Gero, qui veut dire pèlerin,
gir praecisio et ys consiliator. Ipse enim fuit peregrinus
gir, précieux, et ys, conseiller. Car saint Georges fut pèlerin
*
in contemtu mundi , praecisus in corona martyrii et consiliator
dans son mépris du monde, précieux dans son martyre, et conseiller
in prae dicatione regni.
dans la prédication du royaume.
Ejus legenda inter scripturas apocryphas in Nicaeno concilio
Sa légende au nombre des pièces apocryphes dans les actes du concile de Nicée
connumeratur ex eo, quod ejus martirium
est mise, parce que l’histoire de son martyre
certam relationem non habet. Nam in calendario Bedae legitur,
n’est point authentique : on lit dans le calendrier de Bède,
quod sit passus in Persica civitate Dyaspoli,
qu’il souffrit en Perse dans la ville de Diaspolis
quae prius Lidda vocabatur, et est juxta Joppen. Alibi,
anciennement appelée Lidda, située près de Joppé. On dit ailleurs (d’autres)
quod passus sit sub Dyocletiano et Maximiniano imperatoribus
qu’il souffrit sous les empereurs Dioclétien et Maximien,
alibi quod sub Dyocletiano imperatore Persarum
On voit autre part que ce fut sous l’empire de Dioclétien (des Perses),
praesentibus LXXX regibus imperii sui. Hic,
En présence de 70 rois de son empire. D’autres enfin
(80 rois !!! : L=50 suivi de XXX = +30=80)
quod sub Daciano praeside imperantibus Dyocletiano
prétendent que ce fut sous le président Dacien, sous l’empire de Dioclétien
et Maximiniano.
et de Maximien.
*
Georgius tribunus genere Cappadocum pervenit quadam vice
Georges, tribun, né en Cappadoce, vint une fois
in provinciam Libyae in civitatem , quae dicitur Silena.
A Silcha, ville de province de Lybie.
Juxta quam civitatem erat stagnum instar maris ,
A côté de cette cité était un étang grand comme un mer,
in quo draco pestifer latitabat , qui saepe
dans lequel se cachait un dragon pernicieux, qui souvent
populum contra se armatum in fugam converterat
avait fait reculer le peuple venu avec des armes pour le tuer
flatuque suo ad muros civitatis accedens omnes inficiebat.
Il lui suffisait d’approcher les murailles de la ville pour détruire tout le monde de son souffle.
Qua propter compulsi cives duas oves quotidie sibi dabant, ut
Les habitants se virent forcés de lui donner tous les jours deux brebis afin
ejus furorem sedarent, alioquin sic muros civitatis invadebat
d’apaiser sa fureur ; autrement c’était comme s’il s’emparait des murs de la ville.
et aërem inficiebat , quod plurimi interibant. Cum ergo jam
Il infectait l’air, en sorte que beaucoup en mouraient. Or,
oves paene deficerent, maxime cum harum copiam habere
les brebis étant venues à manquer et être fournies en quantité suffisante.
non possent, inito consilio ovem cum adjuncto homine tribuebant.
ne pouvant, on décida dans un conseil qu’on y ajouterait un homme
Cum igitur sorte omnium filii et filiae hominum darentur
Tous les garçons et les filles étaient désignés par le sort,
et sors neminem exciperet, et jam paene
et il n’y avait d’exception pour personne.
*
omnes filii et filiae essent consumti, quadam vice filia regis unica
Or comme il n’en restait presque plus, le sort vint à tomber sur la fille unique du roi.
sorte est deprehensa et draconi adjudicata. Tunc rex contristatus ait:
Qui fut par conséquent destinée au monstre. Le roi tout contristé dit :
tollite aurum et argentum et dimidium regni mei
« Prenez l’or, l’argent, la moitié de mon royaume,
et filiam mihi dimittite , ne taliter moriatur.
Mais laissez-moi ma fille, et qu’elle ne meure pas de semblable mort,
Cui populus cum furore respondit : tu , o rex ,
Le peuple lui répondit avec fureur : « O Roi, c’est toi,
hoc edictum fecisti et nunc omnes pueri nostri mortui sunt
qui as porté cet édit, et maintenant que tous nos enfants sont morts,
et tu vis filiam tuam salvare ? nisi in filia tua compleveris,
tu veux sauver ta fille ? Si tu ne fais pour ta fille,
quod in aliis ordinasti, succendemus te et domum tuum.
Ce que tu as ordonné pour les autres, nous te brûlerons avec ta maison.
Quod rex videns coepit filiam suam flere dicens :
En entendant ces mots, le roi se mit à pleurer sa fille en disant :
heu me, filia mea dulcissima, quid de te faciam ?
Malheureux que je suis ! ô ma tendre fille, que faire de toi ?
aut quid dicam ? quando plus videbo nuptias tuas ?
(ou) que dire ? Je ne verrai donc jamais tes noces ?
Et conversus ad populum dixit : oro , ut inducias
Et se tournant vers le peuple : « je vous en pris, dit-il, accordez-moi
octo dierum lugendi mihi filiam tribuatis.
Huit jours de délai pour pleurer ma fille.
Quod cum populus admisisset, in fine octo dierum
Le peuple y ayant consenti, au bout de huit jours.
reversus populus est cum furore dicens : quare perdis
revint en fureur et il dit au roi : « pourquoi perds-tu
populum tuum propter filiam tuam? En
le peuple pour ta fille ? Voici que
omnes afflatu draconis morimur.
nous mourons tous du souffle du dragon.
Tunc rex videns, quod non posset filiam liberare,
Alors le roi, voyant qu’il ne pourrait délivrer sa fille,
induit eam vestibus regalibus et amplexatus eam cum lacrymis
la fit revêtir d’habits royaux et l’embrassa avec larmes,
dixit : heu me, filia mea dulcissima, de te
en disant : « Ah que je suis malheureux ! ma très douce fille, de ton sein
filios in regali gremio nutrire credebam et nunc vadis,
j’espérais élever des enfants de race royale Et maintenant tu vas
ut a dracone devoreris. Heu me , filia mea dulcissima,
être dévorée par le dragon. Ah malheureux que je suis ! ma très douce fille.
sperabam ad tuas nuptias principes invitare, palatium
j’espérais inviter des princes à tes noces, ton palais
margaritis ornare , tympana et organą audire,
orner de pierres précieuses, entendre les instruments et les tambours
et nunc vadis , ut a dracone devoreris. Et deosculans dimisit
et tu vas être dévorée par le dragon. » Il l’embrassa et la laissa partir
eam dicens : utinam , filia mea , ego ante te mortuus essem,
en lui disant : « O ma fille, que ne suis-je mort avant toi
quam te sic amisissem !
pour te perdre ainsi ! »
*
La traduction de traduction par T. de Wyzewa de 1910.
CHAPITRE LIX, SAINT GEORGES, MARTYR
23 avril.
L’introduction originale au chapitre n’est pas traduite.
Georges était originaire de Cappadoce, et servait dans l’armée romaine, avec le grade de tribun. Le hasard d’un voyage le conduisit un jour dans les environs d’une ville de la province de Libye, nommée Silène. Or, dans un vaste étang voisin de cette ville habitait un dragon effroyable qui, maintes fois, avait mis en fuite la foule armée contre lui, et qui, s’approchant parfois des murs de la ville, empoisonnait de son souffle tous ceux qui se trouvaient à sa portée.
Pour apaiser la fureur de ce monstre et pour l’empêcher d’anéantir la ville tout entière, les habitants s’étaient mis d’abord à lui offrir, tous les jours, deux brebis. Mais bientôt le nombre des brebis se trouva si réduit qu’on dut, chaque jour, livrer au dragon une brebis et une créature humaine. On tirait donc au sort le nom d’un jeune homme ou d’une jeune fille ; et aucune famille n’était exceptée de ce choix. Et déjà presque tous les jeunes gens de la ville avaient été dévorés lorsque, le jour même de l’arrivée de saint Georges, le sort avait désigné pour victime la fille unique du roi. Alors ce vieillard, désolé, avait dit : « Prenez mon or et mon argent, et la moitié de mon royaume, mais rendez-moi ma fille, afin que lui soit épargnée une mort si affreuse ! »
Mais son peuple, furieux, lui répondit : « C’est toi-même, ô roi, qui as fait cet édit ; et maintenant que, à cause de lui, tous nos enfants ont péri, tu voudrais que ta fille échappât à la loi ? Non, il faut qu’elle périsse comme les autres, ou bien nous te brûlerons avec toute ta maison ! » Ce qu’entendant, le roi fondit en larmes, et dit à sa fille : « Hélas, ma douce enfant, que ferai-je de toi ? Et ne me sera-t-il pas donné de voir un jour tes noces ? » Après quoi, voyant qu’il ne parviendrait pas à obtenir le salut de sa fille, il la revêtit de robes royales, la couvrit de baisers, et lui dit : « Hélas, ma douce enfant, j’espérais voir se nourrir sur ton sein des enfants royaux, et voici que tu dois me quitter pour aller servir de pâture à cet horrible dragon ! Hélas, ma douce enfant, j’espérais pouvoir inviter à-tes noces tous les princes du pays, et orner de perles mon palais, et entendre le son joyeux des orgues et des tambours ; et voici que je dois t’envoyer à ce dragon qui doit te dévorer ! »
Et il la renvoya en lui disant encore : « Hélas, ma fille, que ne suis-je mort avant ce triste jour ! » Alors la jeune fille tomba aux pieds de son père, pour recevoir sa bénédiction ; après quoi, sortant de la ville, elle marcha vers l’étang où était le monstre.
Source : Wikisource, libre de droits.
https://fr.wikisource.org/wiki/La_Légende_dorée/Saint_Georges
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
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Le manuscrit trouvé à Saragosse, le roman de 1810
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Le manuscrit trouvé à Saragosse (1810)
Ce roman est dans le domaine public.
Attention, il existe au moins quatre versions françaises originales de ce roman, davantage en comptant le texte variable des éditions françaises imprimées. Autre titre : La Duchesse d’Avila, Dix journées de la vie d’Alphonse Van-Worden.
Inachevé en 1794 puis 1804,
Achevé en 1810,
Sorti en France en 1814 sous le titre Dix journées de la vie d’Alphonse Van-Worden (plusieurs tomes) chez GIDES FILS, PARIS FR.
Traduit en français moderne par Roger Caillois en janvier 1967, en 1989 chez José Corti FR, en juin 1993 au LIVRE DE POCHE CLASSIQUE FR
Réédité en juillet 2000, en juin 2002 chez GALLIMARD FR, réédité en avril 2007 (éditions incluant possiblement un DVD du film de 1965) ;
En janvier 2008 chez GARNIER FLAMMARION en deux volumes : version de 1804 et version de 1810 ;
Auto-édité en version électronique en décembre 2017 sous Adobe DRM.
Adapté en film polonais en 1965 par par Wojciech Has ;
Adapté en 1973 en mini-série de quatre épisodes par Philippe Ducrest pour l’ORTF 2 FR.
Adapté en opéra Manuscrit trouvé à Saragosse, opéra, livret d'Alexis Nouss, musique de José Evangelista ;
Adapté en film italien en 2017 Agadah par Alberto Rondalli.
Du Comte Jan Potocki (prononcez Yann Pototski-i).
Pour adultes et adolescents.
(prospective, apocalypse) En tentant de traverser les montagnes de la Sierra Morena, en Andalousie, Alphonse Van Worden, un officier de la garde Wallonne compte s’arrêter à un relai de Malleposte, mais son serviteur disparaît avec ses provisions devant lequel deux brigands tziganes réputés vampires ont été pendus...
*
L’Avertissement de Jan Potocki de l’édition de 1814 de GIDES ET FILS PARIS FR.
Tome 1 des Dix journées de la vie d’Alphonse Van-Worden
Téléchargeable gratuitement sur Gallica ici.
OFFICIER dans l’armée française , je me trouvai au siége de Sarragosse. Quelques jours après la prise de la Ville, m’étant avancé vers un lieu un peu écarté , j’aperçus une petite maisonnette assez bien bâtie , que je crus d’abord n’avoir encore été visitée par aucun Français.
J’eus la curiosité d’entrer. Je frappai à la porte ; mais je vis qu’elle n’étoit pas fermée ; je la poussai , et j’entrai. J’appelai , je cherchai , ne trouvai personne. Il me paraût qu’on avoit déjà enlevé tout ce qui avoit quelque valeur ; il ne restoit sur les tables et dans les meubles que des objets de peu d’importance. Seulement j’aperçus par terre , dans un coin , plusieurs cahiers et papier écrits ; je jetai les yeux sur ce qu’ils contenoient. C’étoit un manuscrit espagnol ; je ne connoissois que fort peu cette langue ; mais cependant j’en savois assez pour comprendre que ce livre pouvoit être amusant ; on y parloit de brigands , de revenans , de cabalistes , et rien n’étoit plus propre à me distraire des fatigues de la campagne , que la lecture d’un roman bizarre. Persuadé que ce livre ne reviendroit plus à son légitime propriétaire , je n’hésitai point à m’en emparer.
Dans la suite, nous fûmes obligés de quitter Sarragosse. M’étant trouvé par malheur éloigné du corps principal de l’armée , je fus pris avec mon détachement par les ennemis ; je crus que c’en étoit fait de moi. Arrivés à l’endroit où ils nous conduisoient , les Espagnols commencèrent à nous dépouiller de nos effets ; je ne demandai à conserver qu’un seul objet qui ne pouvoit leur être utile , c’étoit le livre que j’avois trouvé ; ils firent d’abord quelque difficulté , enfin ils demandèrent l’avis du capitaine qui , ayant jeté les yeux sur le livre , vint à moi , et me remercia d’avoir conservé intact unouvrage auquel il attachoit un grand prix comme contenant l’histoire de l’un de ses ayeux. Je lui contai comment il m’étoit tombé dans les mains , il m’emmena avec lui , et pendant le séjour un peu long que je fis dans sa maion , où je fus assez bien traité , je le priai de me traduire cet Ouvrage en français ; je l’écrivis sous sa dictée.
DIX JOURNEES
DE LA VIE
D’ALPHONSE VAN-WORDEN
PREMIERE JOURNEE
*
Le texte du manuscrit de Jan Potocki conservé par la Bibliothèque Nationale de France, scanné pour Gallica.
Le .pdf gratuit téléchargeable sur Gallica se trouve ici :
Histoire d’Alphonse Van Worden
ou tiré d’un Manuscript trouvé à Saragosse
Le Comte d’Olivadèz n’avoit pas encore établi des Colonies étrangères dans la Siera Moréna ; cette chaîne sourcilleuse, qui sépare l’Andalousie d’avec la Manche, n’étoit alors habitée que par des contrebandiers, des bandits et quelques Bohèmiens qui passoient pour manger les voyageurs qu’ils avoient assassinés : et de là le proverbe Espagnol : “Las Gitanas de Siera Moréna quieren carne de hombres.”
Ce n’est pas tout. Le voyageur qui se hasardoit dans cette sauvage contrée, s’y trouvoit (disoit on) assailli par mille terreurs capables de glacer les plus hardis courages. Il entendoit des voix lamentables se mêler au bruit des torrents, et aux sifflements de la tempête, des lueurs trompeuses l’égaroient, et des mains invisibles le poussoient vers des abimes sans fond.
À la vérité quelques Ventas ou auberges isolées se trouvoient éparses sur cette route désastreuse ; mais des revenants plus diables que les cabaretiers eux mêmes, avoient forcé ceux-ci à leur céder la place, et à se retirer en des pays où leur repos ne fut plus troublé que par les reproches de leur conscience, sortes de fantômes avec qui les aubergistes ont des accommodements ; celui de l’hôtellerie d’Anduhar attestoit St. Jacques de Compostelle de la vérité de ces récits merveilleux. Enfin il ajoutoit que les archers de la St. Hermandad avoient réfusé de se charger d’aucune expédition pour la Sierra Morena, et que les voyageurs prenoient la route de Jaen ou celle de l’Estramadoure.
Je lui répondis que ce choix pouvoit convenir à des voyageurs ordinaires, mais que le Roi Don Phêlipe quinto, ayant eu la grace de m’honorer d’une commission de Capitaine aux gardes Vallones, les loix sacrées de l’honneur me préscrivoient de me rendre à Madrid, par le chemin le plus court, sans demander s’il étoit le plus dangereux.
„Mon jeune Seigneur , (reprit l’hôte) votre merçed
„me permetra de lui observer, que si le Roi l’a honoré
„d’une compagnie aux gardes , avant que l’âge eut hono
„ré du plus leger duvet le menton de votre merçed ; il
„seroit expédient de faire des preuves de prudence , or je
„dis que lors que les démons s’emparent d’un pays‟ . . .
Il en eut dit d’avantage, mais je piquai des deux et ne m’arrêtai que lorsque je me crus hors de la portée de ses remontrances ; Alors je me retournai et je le vis qui gesticuloit encore et me montroit de loin la route de l’Estramadoure. Mon valet Lopez et Moschito mon Zagal me regardoient d’un air piteux, qui vouloit dire à peu près la même chose. Je fis semblant de ne les point comprendre, et m’enfonçai dans les bruyères, où depuis l’on a bati la colonie appellée la Carlota.
À la place même où est aujourd’hui la maison de poste il y avoit alors un abri , fort connu des muletiers, qui l’appelloient : „Los Alcornoques — ou les chênes verts, parce que deux beaux arbres de cette espèce y ombrageoient une source abondante que recevoit un abreuvoir de marbre. C’était la seule eau et le seul ombrage que l’on trouvat dépuis Anduhar , jusqu’à l’auberge dite Venta-Quemada. Cette auberge étoit batie au milieu d’un désert, mais grande et spacieuse. C’était proprement un ancien château des Mores que le Marquis de Penna-Quemada avoit fait réparer, et delà lui venoit le nom de Venta-Quemada. Le Marquis l’avoit affermée à un bourgeois de Murcie , qui y avoit établi une hôtellerie la plus considérable qu’il y eut sur cette route. Les voyageurs partoient donc le matin d’Anduhar, dinoient à Los Alcornoques des provisions qu’ils avoient apportées, et puis ils couchoient à la Venta-Quemada ; souvent même ils y passoient la journée du lendemain, pour s’y préparer au passage de montagnes et faire de nouvelles provisions ; tel étoit aussi le plan de mon voyage.
Mais comme nous approchions déja des chênes verts, et que je parlois à Lopez du petit repas que nous comptions y faire, je m’aperçus que Moschito n’étoit point avec nous, non plus que la mule chargée de nos provisions. Lopez me dit que ce garçon êtoit resté quelques cens pas en arriere, pour refaire quelque chose au bât de sa monture : nous l’attendimes, — puis nous fimes quelques pas en avant — puis nous nous arretâmes pour l’attendre encore — Nous l’appellames — nous retournames sur nos pas pour le chercher : le tout en vain. Moschito avoit disparu et emportoit avec lui nos plus chères espérances, c’est-à-dire tout notre diner.
*
Le texte de la non autographe, Madrid, Bib. Nacional, cote 22185. François Rosset, Dominique Triaire, JeanPotocki, Manuscrit trouvé à Saragosse (1810) — Manuscrits et imprimés originels Edition électronique 2019. hal-02083167
Téléchargeable ici.
Le Comte d’Olivadez n’avoit pas encore établi des Colonies étrangères dans la Siera Moréna ; cette chaîne de monts sourcilleux, qui séparent l’Andalousie d’avec la Manche, n’étoit alors habitée que par des Contrebandiers des Bandits et quelques Bohémiens qui passoient pour manger les voyageurs qu’ils avoient assassinés : et de la le proverbe Espagnol : “ Las Citanas de Siera Moréna quieren carne de hombres. ”
Ce n’est pas tout. Le voyageur qui se hasardoit dans cette sauvage contrée, s’y trouvoit, disoit on assailli par mille terreurs capables de glacer les plus hardis courages. Il entendoit des voix lamentables se mèler aux sifflements de la tempête, des lueurs trompeuses l’égaroient, et des mains invisibles le poussoient vers des abimes sans fond.
À la vérité quelques auberges isolées se trouvoient éparses sur cette route désastreuse ; mais des revenants plus diables que les cabaretiers eux mêmes, avoient forcé ceux-ci à leur céder la place, et se retirer en des pays où leur répos ne fut plus troublé que par les reproches de leur conscience, sorte de fantomes avec qui les aubergistes ont des accomodements ; celui de l’hottellerie d’Anduhar attestoit St Jacques de Compostelle de la vérité de ces récits merveilleux. Enfin il ajoutoit que les archers de la Ste Hermandad avoi[en]t réfusé de se charger d’aucune expédition pour la Sierra Moréna, et que les voyageurs prenoient la route de Jaen ou celle de l’Estramadoure.
Je lui répondis que ce choix pouvoit convenir à des voyageurs ordinaires ; mais que le Roi Don Philippe Quinto, ayant eu la grace de m’honnorer d’une commission de Capitaine aux Gardes Vallones, les loix sacrées de l’honneur me préscrivoient de me rendre à Madrid, par le chemin le plus court, sans demander s’il étoit le plus dangereux. “ Mon jeune Seigneur /:réprit l’hôte:/ votre merced me permetra de lui observer, que si le Roi l’a honoré d’une compagnie aux gardes avant que l’age eut honoré du plus léger duvet le menton de vôtre merced, il seroit expedient de faire des preuves de prudence ; or je dis que lorsque les Démons s’emparent d’un pays… ” Il en eut dit d’avantage, mais je piquai des deux et m’arrêtai hors de la portée de ses rémontrances ; alors je me retournai et je le vis qui me montroit de loin la route de l’Estramadoure. Mon valet Lopez de Moschito, mon Zagal me regardoient d’un air piteux qui vouloit dire à peu près la même chose. Je fis semblant de ne les point comprendre et m’enfonçai dans les bruyères où dépuis l’on a bati la colonie appellée la Carlota
À la place même où se trouve aujourd’hui la maison de poste étoit alors un abri fort connu des muletiers qui l’appelloient Los Alcornoques où les chaines verts, parce que deux beaux arbres de cette espèce ombrageoient une source abondante que recevoit un abreuvoir de marbre. C’était là seule eau et le seul ombrage que l’on trouvat dépuis Andouhar jusqu’à l’auberge dite Venta-Quemada. Cette Auberge était batie au milieu d’un désert, mais grande et spacieuse. C’était proprement un ancien château des Mores détruit ancienement par un incendie et réparé dépuis pour en faire une hotellerie, de la le nom de Venta-Quemada. Un bourgeois de Murcie s’y était établi. Les voyageurs partoient donc le matin d’Andoulhar, dinoient à los Alcornoques des provisions qu’ils avoient apportées, et puis ils avoient couché à la Venta-Quemada ; souvent même ils y passoient la journée du lendemain, pour s’y préparer au passage de montagnes et faire de nouvelles provisions ; tel était aussi le plan de mon voyage.
Mais comme nous approchions déja des chênes vertes, et que je parlois à Lopez du petit repas que nous comptions y faire je m’aperçus que Moschitot n’étoit point avec nous non plus que la mule chargée de nos provisions. Lopez me dit qu’il étoit resté quelques cens pas en arriere pour refaire quelque chose au bât de sa monture, nous l’entendimes — Puis nous fimes quelques pas en avant, puis nous [nous] arretâmes pour l’attendre encore. Nous l’appellames — nous retournames sur nos pas pour le chercher ; le tout en vain — Moschito avoit disparu et emportoit avec lui nos plus cheres espérances, c’est à dire tout nôtre diner.
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Traductions en français moderne.
... à venir.
***
Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacrée à ce roman.
***
L'Apocalypse, la nouvelle de l'an 96
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Aποκάλυψις (96)
Titre original transcrit : apokalypsis (dévoilement).
Titre français : Apocalypse selon Saint Jean.
Titre anglais : Book Of Revelation.
Attention, tant que le texte de l'Apocalypse est considéré comme de la fiction, il est parfaitement lisible sans dommage au lecteur ; dès lors que le même texte est présenté et/ou pris pour la réalité, il est extrêmement toxique, criminogène, provoquant violence de masse et maladies mentales abominables et très contagieuses. N'exposez en aucun cas des enfants ou des adultes en position de faiblesse, ou ignorant de la communication pathologique. N'oubliez pas que ce genre de texte présenté comme la réalité détourne ou exploite des récits originaux pour manipuler foules et individus de manière latente, au moins en deux temps, répétés à l'infini : d'abord en exposant au texte présenté comme la réalité, ce qui revient à implanter les germes de panique ou amorcer les maladies mentales; ensuite en provocant, c'est-à-dire en prétendant que l'actualité passée, présente ou future se confond avec le texte de fiction et en se posant comme "guide" tout en invitant l'auditeur à débrancher son cerveau sous les prétextes les plus divers et par la menace. Voir à toutes fins utiles le film La Nuit du Chasseur 1955.
De Jean (de Patmos), adapté de légendes préexistantes.
Pour adultes.
(apocalypse, dark fantasy) L'apôtre Jean de Patmos est visité par Jésus Christ qui lui demande de consigner par écrit une série de visions du futur, incluant le bris des sept sceaux posés sur un rouleau de parchemin, chaque sceau brisé ouvrant un chapitre de la fin du monde.
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(Chapitre 6)
Καὶ εἶδον ὅτε ἤνοιξε τὸ ἀρνίον μίαν ἐκ τῶν ἑπτὰ σφραγίδων,
Kaì eĩdon hóte ḗnoixe tò arníon mían ek tō̃n heptà sphragídōn,
I. ET VIDI QUOD APERVISSET AGNVS VNVM DE SEPTEM SIGNACVLIS
1. Et je vis l’Agneau qui ouvrit le premier des sept sceaux,
καὶ ἤκουσα ἑνὸς ἐκ τῶν τεσσάρων ζῴων λέγοντος,
kaì ḗkousa henòs ek tō̃n tessárōn zṓͅōn légontos,
ET AVDIVI VNVM DE QVATTVOR ANIMALIBVS DICENTEM
et j’entendis l’un des quatre animaux qui disait disant
ὡς φωνῆς βροντῆς, Ἔρχου καὶ βλέπε.
hōs phōnē̃s brontē̃s, Érkhou kaì blépe.
TAMQVAM VOCEM TONITRVI VENI
comme d’une voix de tonnerre : " Viens ! "
καὶ εἶδον, καὶ ἰδού, ἵππος λευκός,
kaì eĩdon, kaì idoú, híppos leukós,
II. ET VIDI ET ECCE EQVVS ALBVS
2. Et je vis paraître un cheval blanc.
καὶ ὁ καθήμενος ἐπ’ αὐτῷ ἔχων τόξον·
kaì ho kathḗmenos ep’ autō̃ͅ ékhōn tóxon;
ET QVI SEDEBAT SVPER ILLVM HABEBAT ARCVM
Celui qui le montait avait un arc ;
καὶ ἐδόθη αὐτῷ στέφανος, καὶ ἐξῆλθε νικῶν, καὶ ἵνα νικήσῃ.
kaì edóthē autō̃ͅ stéphanos, kaì exē̃lthe nikō̃n, kaì hína nikḗsēͅ.
ET DATA EST EI CORONA ET EXIVIT VINCENS VT VINCERET
on lui donna une couronne, et il partit en vainqueur et pour vaincre.
Καὶ ὅτε ἤνοιξε τὴν δευτέραν σφραγῖδα,
Kaì hóte ḗnoixe tḕn deutéran sphragĩda,
III. ET CVM APERVISSET SIGILLVM SECVNDVM
3. Et quand il eut ouvert le deuxième sceau,
ἤκουσα τοῦ δευτέρου ζῴου λέγοντος, Ἔρχου καὶ βλέπε.
ḗkousa toũ deutérou zṓͅou légontos, Érkhou kaì blépe.
AVDIVI SECVNDVM ANIMAL DICENS VENI
j’entendis le second animal qui disait disant : " Viens et vois! "
καὶ ἐξῆλθεν ἄλλος ἵππος πυρρός·
kaì exē̃lthen állos híppos purrhós;
IV. ET EXIVIT ALIVS EQVVS RVFVS
4. Et il sortit un autre cheval qui était roux.
καὶ τῷ καθημένῳ ἐπ’ αὐτῷ ἐδόθη αὐτῷ
kaì tō̃ͅ kathēménōͅ ep’ autō̃ͅ edóthē autō̃ͅ
ET QVI SEDEBAT SVPER ILLVM DATVM EST EI
Celui qui le montait reçut
λαβεῖν τὴν εἰρήνην ἀπὸ τῆς γῆς,
labeĩn tḕn eirḗnēn apò tē̃s gē̃s,
VT SVMERET PACEM DE TERRA
le pouvoir d’ôter la paix de la terre,
καὶ ἵνα ἀλλήλους σφάξωσι·
kaì hína allḗlous spháxōsi;
ET VT INVICEM SE INTERFICIANT
afin que les hommes s’égorgeassent les uns les autres,
καὶ ἐδόθη αὐτῷ μάχαιρα μεγάλη.
kaì edóthē autō̃ͅ mákhaira megálē.
ET DATVS EST ILLI GLADIVS MAGNVS
et on lui donna une grande épée.
Καὶ ὅτε ἤνοιξε τὴν τρίτην σφραγῖδα,
Kaì hóte ḗnoixe tḕn trítēn sphragĩda,
V. ET CVM APERVISSET SIGILLVM TERTIVM
5. Et quand il eut ouvert le troisième sceau,
ἤκουσα τοῦ τρίτου ζώου λέγοντος, Ἔρχου καὶ βλέπε.
ḗkousa toũ trítou zṓou légontos, Érkhou kaì blépe.
AVDIVI TERTIVM ANIMAL DICENS VENI ET VIDI
j’entendis le troisième animal qui disait disant : " Viens et vois ! "
καὶ εἶδον, καὶ ἰδού, ἵππος μέλας,
kaì eĩdon, kaì idoú, híppos mélas,
ET ECCE EQVVS NIGER
Et je vis paraître et voilà un cheval noir.
καὶ ὁ καθήμενος ἐπ’ αὐτῷ ἔχων ζυγὸν ἐν τῇ χειρὶ αὐτοῦ.
kaì ho kathḗmenos ep’ autō̃ͅ ékhōn zugòn en tē̃ͅ kheirì autoũ.
ET QVI SEDEBAT SVPER EVM HABEBAT STATERAM IN MANV SVA
Celui qui le montait tenait à la main une balance ;
καὶ ἤκουσα φωνὴν ἐν μέσῳ τῶν τεσσάρων ζώων,
kaì ḗkousa phōnḕn en mésōͅ tō̃n tessárōn zṓōn,
VI. ET AVDIVI TAMQUAM VOCEM IN MEDIO QVATTVOR ANIMALIVM
6. et j’entendis au milieu des quatre animaux comme une voix
λέγουσαν, Χοῖνιξ σίτου δηναρίου,
légousan, Khoĩnix sítou dēnaríou,
DICENTEM BILIBRIS TRITICI DENARIO
qui disait disant : " Une mesure de blé pour un denier !
καὶ τρεῖς χοίνικες κριθῆς δηναρίου
kaì treĩs khoínikes krithē̃s dēnaríou
ET TRES BILIBRES HORDEI DENARIO
Trois mesures d’orge pour un denier ! "
καὶ τὸ ἔλαιον καὶ τὸν οἶνον μὴ ἀδικήσῃς.
kaì tò élaion kaì tòn oĩnon mḕ adikḗsēͅs.
ET VINVM ET OLEVM NE LAESERIS
Et : " Ne gâte pas l’huile et le vin ! "
Καὶ ὅτε ἤνοιξε τὴν σφραγῖδα τὴν τετάρτην,
Kaì hóte ḗnoixe tḕn sphragĩda tḕn tetártēn,
VII. ET CVM APERVISSET SIGILLVM QVARTVM
7. Et quand il eut ouvert le quatrième sceau,
ἤκουσα φωνὴν τοῦ τετάρτου ζώου λέγουσαν·
ḗkousa phōnḕn toũ tetártou zṓou légousan;
DICENTIS AUDIVI VOCEM QVARTI ANIMALIS
j’entendis la voix du quatrième animal qui disait disant :
Ἔρχου καὶ βλέπε.
Érkhou kaì blépe.
VENI ET VIDI
"Viens et vois !"
καὶ εἶδον, καὶ ἰδού, ἵππος χλωρός,
kaì eĩdon, kaì idoú, híppos khlōrós,
VIII. ET ECCE EQVVS PALLIDVS
8. Et je vis paraître et voilà un cheval de couleur pâle.
καὶ ὁ καθήμενος ἐπάνω αὐτοῦ, ὄνομα αὐτῷ ὁ θάνατος,
kaì ho kathḗmenos epánō autoũ, ónoma autō̃ͅ ho thánatos,
ET QVI SEDEBAT DESVPER NOMEN ILLI MORS
Celui qui le montait se nommait la Mort,
καὶ ὁ ᾅδης ἀκολουθεῖ μετ’ αὐτοῦ·
kaì ho háͅdēs akoloutheĩ met’ autoũ;
ET INFERVS SEQVEBATVR EVM
et l’Enfer le suivait.
καὶ ἐδόθη αὐτοῖς ἐξουσία ἀποκτεῖναι ἐπὶ τὸ τέταρτον τῆς γῆς
kaì edóthē autoĩs exousía apokteĩnai epì tò tétarton tē̃s gē̃s
ET DATA EST ILLI POTESTAS SVPER QVATTVOR PARTES TERRAE
On leur donna pouvoir sur la quatrième partie de la terre,
ἐν ῥομφαίᾳ καὶ ἐν λιμῷ καὶ ἐν θανάτῳ,
en rhomphaíaͅ kaì en limō̃ͅ kaì en thanátōͅ,
INTERFICERE GLADIO FAME ET MORTE
pour faire tuer par l’épée, par la famine, par la mortalité
καὶ ὑπὸ τῶν θηρίων τῆς γῆς.
kaì hupò tō̃n thēríōn tē̃s gē̃s.
ET BESTIIS TERRAE
et par les bêtes féroces de la terre.
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Source du texte en grec ancien : https://el.wikisource.org/wiki/Αποκάλυψις_Ιωάννου#6:1
Conversion des caractères du grec ancien en caractères latins : lexilogos.
Source du texte en latin : intratext.
Source du texte en français: Wikisource.
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Ici la page du forum Philippe-Ebly.fr consacré à cette nouvelle.
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